Penseur indépendant de la théologie et de la métaphysique durant le tumultueux 19e siècle, L’abbé Lacuria a fait couler beaucoup d’encre et a été récupéré ici ou là par des occultistes ou des ésotéristes. Il était temps d’étudier de près sa vie et son œuvre et de répondre de façon définitive sur l’orthodoxie de sa pensée catholique et la nature de sa mystique des nombres. Dans ce tome II, c’est la pensée de Lacuria qui est exposée en détail.
Sommaire de l'ouvrage
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3e Partie. Une pensée philosophico-occultiste ?
- Avant-propos
- Chap. XXXI Une synthèse de la pensée de Lacuria
- Chap. XXXII Une théologie « indépendante »
- Chap. XXXIII Une métaphysique classique
- Chap. XXXIV Psychologie rationnelle
- Chap. XXXV Une « sociologie rationnelle »
- Chap. XXXVI Science, symbolique ou mystique des nombres ?
- Chap. XXXVII Mystique dix-neuviémiste ou traditionnelle ?
- Chap. XXXVIII « Prophétisme » ou eschatologie orthodoxe ?
- Chap. XXXIX La pensée de Lacuria présente-t-elle véritablement une dimension occultiste ?
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4e Partie. Influences et postérité de l’œuvre de l’abbé Lacuria
- Chap. XL Influence « universelle » de la figure lacurienne
- Chap. XLI Panorama d’une postérité critique éparse
- Chap. XLII Une postérité critique contrastée
- Conclusion : Un crypto-occultisme fictif
Extrait
De la science mathématique à la science des nombres
Si toute « science disparaît avec le nombre et reparaît avec lui », les mathématiques, « où le nombre s’exerce sur lui-même », constituent la « science pure », savoir : « la distinction rapportée à l’unité ». Sortant « tout entières de l’unité, [les mathématiques] peuvent toujours s’y ramener ». C’est que, pour Lacuria, « l’unité étant au centre de l’intelligence, les mathématiques constituent donc un rapport exact avec le centre, voilà pourquoi elles sont infaillibles ». C’est aussi parce que les mathématiques, géométrie et algèbre, abritent les formes et les nombres qui, s’ils ne sont stricto sensu que des limites négatives à des réalités qui leurs restent inaccessibles, en sont aussi des symboles permettant d’y accéder. Ainsi, pour Lacuria, le rôle des nombres ne se limite pas à l’abstraction quantitative et aux équations descriptives des lois physiques, ils sont autant de symboles ancestraux et universels, qualitatifs, légués par l’histoire – y compris la pré-chrétienne – et présents dans la révélation biblique.
Cette double signification des nombres caractérise la différence entre Platon et Aristote, selon le mathématicien Abraham Fraenkel (1891-1965) : pour le premier « l’existence des êtres mathématiques est indépendante de la pensée humaine », pour le second ce sont des « idées abstraites de l’activité humaine » ; et cette même différence existerait entre Leibniz et Kant : pour le premier il existe une « mathematica universalis, symbolique et formelle, qui dépasse tout ce qui est à la portée des constructions et intuitions humaines », pour le second, la géométrie et même l’arithmétique « sont liées aux formes de l’intuition humaine : espace et temps ». S’il fallait choisir, et un Gödel l’aura fait explicitement, il convient de distinguer au préalable deux problèmes : l’un de nature ontologique où s’affrontent réalisme et idéalisme, l’autre de nature épistémologique, sur laquelle se déploie la controverse entre empirisme et idéalisme (Bouveresse). Dès lors, la position de Lacuria est claire : il ne faut pas croire que les nombres soient cause ni substance, piège dans lequel Pythagore est tombé, explique-t-il, alors qu’ils ne sont que forme et limite. D’ailleurs, précise-t-il, c’est dans ce même piège qu’est tombé Fourier, pourtant un « génie pénétrant ayant senti l’harmonie profonde avec l’être qui était dans les mathématiques », mais qui a faussement « proclamé cette grande loi que les lois mathématiques étaient celles même de l’être ». C’est que, Lacuria le précise bien, « à parler rigoureusement, ce n’est pas l’unité, mais l’idée de l’unité qui engendre l’idée des nombres ».
Ainsi « la certitude mathématique est toujours conscientielle, elle n’ajoute pas un atome à notre connaissance positive » ; on anticipe ici une formule célèbre : « Pour autant que les propositions de la mathématique se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et pour autant qu’elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité » (Einstein). De plus, Lacuria étend cette même critique à toute science faisant appel aux mathématiques, ce qui les dote d’une double limite : « L’astronomie, la physique, la chimie sont certaines là où elles peuvent s’exprimer par des nombres précis, dans tout le reste, elles sont réduites aux conjectures ».
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Recension
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