Les mystères chrétiens peuvent trop facilement sembler un terrain si bien parcouru qu’ils s’estompent dans une sorte de toile de fond banale dans nos vies. Combien de fois ne supposons-nous pas sans réfléchir que nous savons déjà exactement ce qui se cache sous chaque roche théologique ? Et pourtant, à travers les yeux d’un métaphysicien vibrant et inspiré, ce terrain s’avère encore largement inexploré, riche de mystères encore inexplorés.
Sommaire de l'ouvrage
- Introduction
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Première partie. GNOSE ET THÉOLOGIE
- Un. L’intelligence et la raison, le psychique et le spirituel
- Deux. Gnose et Gnosticisme
- Trois. Les quatre modes de la théologie
- Annexe : deux illustrations de la théologie symbolique
- Annexe : L’analytique du symbole
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Deuxième partie. MYSTERION CHRÉTIEN
- Quatre. Le mysticisme, une voie intégrale
- Cinq. La métaphysique de l’analogie
- Six. Le sens de la réalité
- Sept. Au-delà de l’être
- Huit. Métaphysique du mystère chrétien
Extrait
[La] distinction entre la raison (dianoia, ratio) et l’intellect (nous, intellectus) n’est pas une « séparation totale, car ratio est la lumière brisée et fragmentaire de l’intellectus. Mais il ne faut pas les confondre, ni nier l’un ou l’autre de ces modes d’activité cognitive.
De manière assez surprenante, cependant, une telle confusion se produit dans la philosophie de Descartes, comme en témoigne sa deuxième Méditation, où ratio et intellectus sont dits équivalents, alors que « la tradition philosophique antérieure les avait presque constamment distingués ». (Borella)
Conséquence logique de cette confusion cartésienne, ce sera la négation de l’intellectus (intellect intuitif) dans l’œuvre de la philosophie kantienne. « S’efforçant d’assumer une conscience critique de la raison, Kant n’a pas perçu le pouvoir dont la confusion cartésienne dotait encore la connaissance intuitive (intellectus intuitivus). Sans intellectus, aucune métaphysique n’est possible : « L’intuition intellectuelle… n’est pas la nôtre, et nous ne pouvons pas même en envisager la possibilité » (La critique de la raison pure, éd. en anglais, trans. W. Schwarz, Aalen : Scientia, 1982, p. 98).
Faisant de la raison (Vernunft) la faculté supérieure de connaître, « Kant est conduit à renverser ce que toute la tradition philosophique antérieure avait accepté et a appelé comprendre (Verstand, intellectus) l’activité cognitive inférieure, c’est-à-dire celle qui dote la connaissance sensible d’une forme conceptuelle ou mentale ».
« D’une confusion initiale à une inversion négationniste : telle est la voie suivie par la décadence intellectuelle occidentale ». (Borella).
Nous conclurons par le paradoxe de l’intellect : « L’intellect ne peut recevoir en lui la connaissance de tout que parce qu’il n’est aucune des choses qu’il connaît.… Cet intellect mérite bien le nom d’« intellect spéculatif » parce qu’il est un miroir (speculum en latin) qui reflète le monde. Le prix à payer pour sa lucidité est une sorte de distanciation de la réalité, grâce à laquelle la réalité comme telle se révèle à l’homme, mais aussi par laquelle l’homme se distingue de l’être dans son être même. La connaissance est bien une communion intelligible du connaissant et du connu, mais c’est en quelque sorte une communion à distance. Avec l’activité cognitive, tout se passe comme si l’homme avait conservé le souvenir d’une communion ontologique entre lui et le monde, mais il ne peut y parvenir — par ses pouvoirs purement naturels — que sur le mode spéculatif. La connaissance est cette possibilité même, cette possibilité ultime, ce souvenir d’un paradis perdu. C’est une fusion anticipée du sujet et de l’objet, mais anticipée seulement parce que non réalisée (Borella). [pp. 11-12]