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Qu’est-ce que la métaphysique ?

Bruno Bérard

La métaphysique est ici confrontée, au gré des contributions d’hommes de lettres, de philosophes, d’un physicien et mathématicien : à sa pratique, à l’art, à la politique, à la poésie, à son histoire récente et sa redécouverte de l’analogie, à la logique dont elle constitue la limite, à la doctrine chrétienne de la creatio ex nihilo, à la physique, à la phénoménologie et à la mystique, à sa possibilité en bouddhisme, à toute doctrine dogmatique qui affirmerait la vérité ou le doute absolu, et à l’histoire de son nom et de son concept.

Sommaire de l'ouvrage

Introduction – Bruno Bérard

  1. Aperçu sur les métaphysiques, théorie et pratique (Pamphile)
  2. « Martin Heidegger » – « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »
  3. Jean Biès – L’autre côté de la parole – métaphysique et poésie
  4. Wolfgang Smith – Métaphysique comme « voir »
  5. Kostas Mavrakis – À la recherche des fondements métaphysiques de la politique
  6. Emmanuel Tourpe – La métaphysique hier et demain. Analogie de l’amour
  7. Alain Santacreu – Étant donné, néant donné – métaphysique en christianisme
  8. François Chenique – Métaphysique et logique
  9. Aude de Kerros – La grande crise métaphysique de l’art
  10. Jean-Marc Vivenza – Métaphysique en bouddhisme. La loi de « production conditionnée » (paṭicca-samuppāda) et ses implications ontologiques
  11. Bruno Bérard – La métaphysique comme antidogmatisme et comme non-système
  12. Jean Borella – De la connaissance métaphysique : la métaphysique comme épiphanie de l’Esprit

Extrait

Force est de constater, si l’on est honnête avec soi-même, que l’accès direct aux réalités métaphysiques dont notre intelligence fait l’expérience est extrêmement difficile à obtenir, voire impossible. Non que nous puissions douter de leur existence et de leur vérité, mais parce que notre être n’est pas ici-bas « à leur hauteur ». Nous les connaissons, mais « partiellement » dit S. Paul, en mode intellectif précisément. Et d’ailleurs, même à s’en tenir au seul mode intellectif, interrogeons-nous sincèrement. Quand on nous parle de ce qui est « au-delà de l’être », quand on nous parle du Non-Être ou du Sur-Être, à quoi pensons-nous ? Qu’envisageons-nous ? Bien souvent nous pensons à « quelque chose » qui est encore « mieux que l’être », c’est-à-dire à un « Être » qui est « plus qu’Être ». On est en droit de se demander si tout le contenu de cette pensée ne se réduit pas au sentiment de supériorité qu’elle nous procure sur le commun des mortels, sur tous les profanes ignorant ce que Platon appelle, non sans ironie, une « merveilleuse transcendance » (République, VI, 509 c). À moins que séduits par la promesse de découvertes étonnantes, nous ne nous en remettions, en toute confiance, aux autorités qui nous les font apercevoir de loin. S’agit-il pour autant de renoncer à la métaphysique, de rejeter, comme billevesée, la perspective méontologique (ou surontologique) vers laquelle elle nous oriente, sous prétexte qu’au premier enthousiasme a succédé une certaine déception spéculative ? Certainement pas. Et la raison la plus décisive en faveur de l’option métaphysique, c’est que l’accès au « point de vue » méontologique permet seul de rendre compte de la « possibilité de l’être » et de répondre vraiment à la question de Leibniz reprise par Heidegger, du moins selon qu’il est donné de lumière à une intelligence humaine.

À qui veut entrer en métaphysique, il reste donc à prendre conscience, sérieusement, à la fois de notre finitude de créature, et de l’infinitude intrinsèque de la lumière intellective à laquelle Dieu nous a permis de participer ; ce qui veut dire : rejeter, d’une part, l’enflure orgueilleuse aussi bien que l’exaltation « mystique » (même si ces réactions erronées ont, à leur manière, contribué à nous éveiller), et d’autre part honorer l’intelligence comme une grâce divine et comme une sorte de théophanie.

C’est déjà ce qu’enseignait, il y a deux mille cinq cents ans, le mystérieux Héraclite :

Limites de l’âme tu ne saurais les trouver en poursuivant ton chemin,

Si longue que soit la route,

Tant est profond le Logos qu’elle renferme.

[Borella, « La métaphysique comme épiphanie de l’esprit », pp. 177-178]

Avis de parution

Si la métaphysique ne se tient pas dans le vide, ce n’est pas uniquement parce qu’elle implique le métaphysicien qui la pense, c’est également parce qu’elle s’applique à toutes les choses du monde, de la pensée et de la vie.

La métaphysique est donc ici confrontée, au gré des contributions de femmes et d’hommes de lettres, de philosophes, d’un physicien et mathématicien : à sa pratique (Pamphile), à l’art (Aude de Kerros), à la politique (Kostas Mavrakis), à la poésie (Jean Biès), à son histoire récente et sa redécouverte de l’analogie (Emmanuel Tourpe), à la logique dont elle constitue la limite (François Chenique), à la doctrine chrétienne de la creatio ex nihilo (Alain Santacreu), à la physique, à la phénoménologie et à la mystique (Wolfgang Smith), à sa possibilité en bouddhisme (Jean-Marc Vivenza), à toute doctrine dogmatique qui affirmerait la vérité ou le doute absolu (Bruno Bérard), et à l’histoire de son nom et de son concept jusqu’à la possibilité d’un connaître (Jean Borella).

Si ce large panorama, pour une question aussi brève et un livre aussi court, fut possible, c’est parce que la métaphysique n’est pas, essentiellement, affaire d’érudition. Les questions ultimes sont simples : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Qui suis-je ? Et n’est-ce pas après avoir épuisé les réponses nécessairement réductrices de la physique, de la psychologie, de la sociologie et de beaucoup de philosophies, que ces questions, davantage encore épurées, pourront éventuellement, hors de toute construction savante, recevoir une réponse également ultime ?

C’est bien l’unique objectif de cet essai collectif que d’offrir à chacun l’opportunité d’une telle réponse.

Recension

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