Publié dans la Revue de l’ABF – Association Beethoven France et Francophonie, n° 14, Second semestre 2012.
Voir également « Lacuria et Beethoven. Un philosophe du XIXe siècle commente les œuvres de Beethoven ».
L’on sera certainement surpris de voir associé un parfait inconnu, Lacuria, à l’un des plus grands compositeurs de tous les temps, Beethoven. Cela dit, nous verrons que s’il s’agit, certes, d’un « illustre inconnu », Lacuria est un personnage hors du commun, un penseur original doublé d’un mélomane averti, mettant Beethoven à ce point au-dessus de tous les autres compositeurs que ses proches l’ont appelé l’« apôtre de Beethoven ».
- Introduction
- Lacuria, un personnage original et attachant
- Lacuria, un penseur bien de son temps
- Lacuria, le mélomane « apôtre de Beethoven »
- Lacuria, « neuro-physiologue » amateur et « angélologue » averti (!)
- La vie de Lacuria et la « musique biographique » de Beethoven
- La belle réception de Beethoven en France qui rayonnera sur l’Europe
- Le romantisme de Beethoven
- Lacuria lit et écrit sur Beethoven, une élection non innocente
- Principe métaphysique des travaux de Lacuria sur Beethoven
- Notes
Introduction
Si les articles que Lacuria publie ne font qu’indirectement partie de la réception de Beethoven en France, ils font état d’une réelle compréhension de l’œuvre et, avant qu’un Michel Onfray ne montre, négativement, que « la psychanalyse, c’est l’autobiographie de Freud »1, Lacuria aura, positivement, souligné les éléments biographiques prégnants aux compositions de Beethoven et cela, on va le voir, non pas dans une perspective réductrice du type matérialisme dialectique2, mais dans leur dimension hautement spirituelle.
Lacuria, un personnage original et attachant
L’abbé Paul François Gaspard Lacuria (Lyon, 6 janvier 1806 – Oullins, 3 mars 1890), prêtre ayant vécu tout au long du XIXe siècle, est connu des spécialistes pour le livre de sa vie, Les harmonies de l’être, dont le titre complet, long selon la pratique de l’époque, montre l’ampleur de la synthèse envisagée3.
Autant tenu éloigné par l’Église qu’à l’écart par les occultistes, Lacuria recherche, en philosophe indépendant et contre « les charlatans du dix-huitième siècle »4), l’unité entre la foi et la raison : « deux termes qu’on croit opposés et qui sont identiques » diront certains5. Unifier science et métaphysique grâce à un troisième terme : l’harmonie – quitte à aller jusqu’à une « unité de substance »6 qui lui vaudra l’opprobre de panthéisme –, c’est ce que Lacuria dénomme philosophie. « Philo-sophie », car, in fine, cette sagesse doit réconcilier l’homme et la société, dans un siècle lourdement postrévolutionnaire où alternent monarchies, républiques et empires, totalitarismes et Printemps des Peuples7, sur fond d’une industrialisation impitoyable et d’un bouillonnement de sciences nouvelles (soins médicaux par l’électricité, physiognomonie, etc.) auxquelles Lacuria ne manque pas de s’intéresser, selon un éclectisme digne de son illustre contemporain, Victor Cousin (1792-1867).
Il convient d’ajouter, a minima, à ce portrait bien trop incomplet, que l’abbé Lacuria est tenu pour « un saint homme »8, doublement tourné vers le Ciel et vers le monde des hommes et, parmi ces derniers, vers les enfants qu’il aime et qui le lui rendent bien, lui restant ensuite fidèles toute leur vie. « Son ouverture aux domaines à la marge que sont les « sciences occultes » est surmontée et coiffée par un christianisme inébranlable et une spiritualité mystique des plus épurées. Bien sûr, la contrepartie quasi-obligée de cette « haute spiritualité » est une naïveté à toute épreuve – et épreuves il y a eu – compensée, fort heureusement, par une foi indéfectible dans la Providence »9.
Lacuria, un penseur bien de son temps
Bien de son temps, Lacuria, engagé dans le mouvement du catholicisme libéral (1830-1833) et professeur (1830-1846), promeut la séparation de l’Église et de l’État et défend la liberté de l’enseignement (par l’Église)10. Au collège d’Oullins près de Lyon, en charge d’éduquer autant que d’enseigner, il compose des contes de fées11 qu’il raconte à sa bande des « disciples de Pythagoras »12, au moment où « le succès des contes de Perrault […] prend des proportions gigantesques […], en particulier après la loi de Guizot sur l’instruction primaire (1833) »13 qui va accélérer l’alphabétisation cependant que l’édition et la presse se développent fortement. Il écrira d’autres essais, suivant les événements philosophiques ou sociaux de l’époque ; mais ceux-ci ne seront pas édités.
Lacuria, le mélomane « apôtre de Beethoven »
Jusqu’à son exil parisien, à 41 ans, Lacuria est professeur de littérature à Oullins, mais il enseigne également la musique, la dirige, ainsi que les chœurs de l’école, et compose des cantiques qui y sont chantés14. Le futur ami de Charles Gounod est intarissable sur les grands compositeurs et chante aux élèves des extraits de leurs compositions, en dépit du « modeste instrument qu’était son larynx chétif »15, comme de sa piètre habileté à jouer du piano : il pianote d’« un seul doigt », mais s’en sert pour s’accompagner et en aura joué toute sa vie16.
Son engouement pour Beethoven n’est pas pour autant causé par une méconnaissance des autres compositeurs : il était emphatique sur la sérénité de Bach (« océan calme, rarement agité par une immense vague sans écume »), la majesté de Haëndel [sic] (« belle et haute montagne à la base épaisse et sans pics aigus »), la pureté de Mozart (« lac limpide, bordé de saules légers se reflétant au printemps dans les eaux argentées »), la noble simplicité de Gluck (« Parthénon ou Pyramide de Chéops immuables sous un beau ciel d’azur »), l’entrain de Rossini, Boïeldieu (parce que sa Dame Blanche ne « donnait pas mal à la tête »), etc. Cela dit, l’« apôtre » tenait Beethoven pour « le maître des maîtres, résumé de toutes les grandeurs et de toutes les beautés du monde, consolateur des âmes affligées »17.
Il me semble que nul artiste n’est plus grand et plus complet que Beethoven ; je lui trouve à la fois la force de Michel-ange [sic], la grâce de Raphaël et l’abondance de Rubens. Je ne trouve aucun artiste plus pûr [sic], jamais rien dans ses œuvres, ni de trivial ni de licencieux, il respecte son art comme un sacerdoce, et s’il y a de l’orage dans la musique c’est que la part des misères humaines a été grande, et il avait le même droit que Job de faire entendre les cris de douleur au monde.Je ne nie aucunement le mérite des autres musiciens qui surpassent quelques fois Beethoven en certains points. Bach est plus fort en fugues, Palestrina est plus religieux, plus céleste, Mozart plus fini et gracieux, Rossini est plein de verves et de mélodie ; j’admire aussi Gluck, Grétry [1741-1813], Dalayrac, Méhul, Hérold, Boëldieu [sic], Berlioz et Gounod qui ont de grandes beautés, mais Beethoven est pour tous un géant et sa beauté est plus complète que celle des autres.
Lacuria à Thiollier, Lette autographe signée, s. l. [Paris], s. d. [années 60] ; Archives Thiollier.
Au-delà de ce qu’il convient d’appeler les poncifs bien de l’époque, on entraperçoit ici néanmoins ce qui fera la particularité du travail de Lacuria : montrer l’engagement « sacerdotal » – écrit-il, c’est-à-dire « religieux » ou orienté vers le sacré – de Beethoven, ce qui explique qu’il trouve le beau beethovenien « plus complet » que celui des autres. Selon l’esthétique de Lacuria, en effet, on pourra dire que « le beau révèle le sacré de l’art, et l’art réveille la conscience religieuse du beau »18. Mais il y a – au-delà de Beethoven – la question plus générale du « sacerdoce de l’art » ou de « l’artiste comme prêtre », qu’il s’agisse de l’écrivain (Balzac) ou du musicien, qui émerge (au moins en France) à l’époque romantique et court au moins jusqu’à la fin du siècle.
Lacuria, « neuro-physiologue » amateur et « angélologue » averti (!)
Si Lacuria profite de son exil parisien pour assister assidument à quasiment tous les concerts du Conservatoire19, c’est qu’il « avait non-seulement le culte, mais la science de la musique, dont il possédait une théorie personnelle »20. Cette théorie indique, par exemple, que le plain-chant qui, « dans plusieurs modes, surtout mineurs, manque totalement de la sensible, […] est donc par là même religieux », et propre à faire taire toutes les passions humaines afin d’« entrer dans le temple de Dieu et l’adorer »21. Dans son livre Les harmonies de l’être, on en lit davantage de la part de ce « neuro-physiologue » amateur et « angélologue » averti (!) :
La vibration plus ou moins douce, brusque, lente ou rapide que le corps sonore imprime aux nerfs auditifs, se répand et se communique à l’organisme tout entier et surtout à la région du cœur, elle produit donc en nous d’une manière factice toutes les émotions qui résultent des passions et des sentiments, et ceux-ci réveillés par analogie réveillent à leur tour les idées qui leur correspondent et dont ils tirent leur origine.
[…] la musique est donc descendue de l’entendement du compositeur par son intelligence et ses sens jusqu’à notre oreille, elle remonte de là par la même route, mais en direction inverse, jusqu’à notre entendement : c’est alors que le compositeur nous est révélé et qu’il s’établit entre notre âme et la sienne une harmonie sublime que l’oreille ne perçoit plus, mais que les anges peuvent entendre. C’est donc toujours à la partie immortelle de lui-même que l’homme doit ses plus réelles et ses plus profondes jouissances »22. « Mais quand les nombres vibratoires arrivent à l’âme par le sens de l’ouïe, ils la bercent et l’enivrent quelquefois jusqu’à l’extase ».23
La vie de Lacuria et la « musique biographique » de Beethoven
La formule nietzschéenne « sans musique la vie serait une erreur »24 convient aussi bien à Lacuria qu’à Beethoven. Pour autant, dans le cas de Beethoven, c’est sa raison même de vivre – et de ne pas se donner la mort – qu’aura été la musique. Bien sûr, très prosaïquement, si Beethoven est « le premier qui ait osé introduire dans la musique sa personnalité comme raison d’être »25 au point de faire se confondre sa vie et son œuvre, c’est en partie par la force des choses diront d’autres poncifs historiographiques : échecs sentimentaux, surdité, mauvaise haleine… En fait, il ressort surtout que c’est grâce à « une intensité de conscience et de volonté proprement héroïques » qu’il aura pu réaliser cette unité de l’homme et de l’artiste26 : sa raison de vivre va devenir la seule création musicale, expression même de sa vie – et, comme le relèvera Lacuria dans ses articles, pas seulement de ses sentiments, mais de sa pensée même :
« Ce qui suscite mes idées, ce sont des dispositions d’esprit [Stimmungen] qui s’expriment avec des mots chez le poète, et qui s’expriment chez moi par des sons, résonnant, bruissant, tempêtant, jusqu’à ce qu’enfin ils soient en moi de la musique ».
Beethoven (cité par Massin, op.cit.)
Beethoven n’unifie pas seulement la musique et sa vie, tout en menant sa vie, au mieux qu’il le peut, comme une conquête de la joie intérieure, il veut, de plus, la mettre au service des autres. Lacuria, solitaire mais également au service des autres, pourra, indirectement, se reconnaître dans un Beethoven qui travaille à « créer une musique dont l’impulsion soit telle qu’elle entraîne les hommes à conquérir la joie, dans la liberté, par l’action temporelle. Mais [il] sait aussi qu’une telle musique ne peut être créée qu’au cours d’une vie qui s’y conforme la première ».27
Cette intention profondément altruiste de Beethoven sera bien sûr relevée par l’un de ses plus fameux futurs biographes, Romain Rolland :
Parvenu par des années de luttes et d’efforts surhumains à vaincre sa peine et à accomplir sa tâche, qui était, comme il disait, de souffler un peu de courage à la pauvre humanité, ce Prométhée vainqueur répondait à un ami qui invoquait Dieu : « Ô homme, aide-toi toi-même ! ».Inspirons-nous de sa fière parole. Ranimons à son exemple la foi de l’homme dans la vie et dans l’homme ».
Rolland Romain, « Vies des Hommes illustres : Beethoven »28
Et, surtout, on la lira directement dans son testament de 1802 et retrouvé après sa mort, par exemple cité par Paul Scudo dans son article de la Revue des Deux Mondes de 1850 :
O Dieu tout-puissant qui voit le fond de mon cœur, tu sais que la haine et l’envie n’y ont jamais pénétré. Et vous, qui lirez ces lignes, pensez que celui qui les a écrites a fait tous ses efforts pour se rendre digne de l’estime de ses semblables.
Scudo Paul, « Une sonate de Beethoven », Revue des Deux Mondes t. 8, 1850, p. 87.
La belle réception de Beethoven en France qui rayonnera sur l’Europe
De la réception de Beethoven en France, que les lecteurs connaissent bien29, on ne donnera qu’un résumé succinct de ce qui nous semble la caractériser synthétiquement.
Il s’agit, essentiellement, d’une rupture « instrumentaliste » et pianistique, et, in fine, d’une véritable « révolution » en musique. En effet, jusque vers la fin du XVIIIe siècle, la musique instrumentale était regardée comme inférieure à la musique vocale, les paroles ayant toujours été considérées comme nécessaire à l’expression ; dès lors les pièces instrumentales, fussent-elles concerti, suites, ouvertures ou sonates, n’étaient que des « danseries », des « intermèdes »30 ou, comme le dira bien plus tard Erik Satie (1866-1925), de la « musique d’ameublement »31. De facto, « l’opéra règne sur la vie musicale »32, spécialement l’Opéra de Paris qui, « pendant la première moitié du dix-neuvième siècle, [fut même] sans conteste le plus brillant d’Europe »33. De plus, par un décret de 1811, la musique de concert doit « être autorisée par l’Opéra et lui payer une redevance » ! On comprend ici que la réception de Beethoven, et de sa musique essentiellement instrumentale, ait eu tendance à mettre « l’accent sur l’aspect dramatique […], souligné par les procédures d’exécution (tempi relativement rapides, renforcement des basses…) », faisant de sa musique des « drames sans scène et sans paroles »34. Ajoutons que si la musique instrumentale va finalement gagner ses lettres de noblesse, c’est également qu’elle fut portée par l’exhibition de virtuoses en musique de chambre (Liszt, Chopin, Saint-Saëns35), par la popularisation du piano36 et l’explosion de l’édition musicale.
Il demeure que l’« un des plus grands mérites des ‘‘symphonistes’’ est d’avoir revendiqué hautement la dignité de la musique instrumentale en présentant leurs œuvres comme des ‘‘objets’’ qu’on doit écouter avec respect sinon avec intérêt ». L’exécution solennelle d’une symphonie va alors prendre l’allure d’une célébration et « toute la musique [… va bénéficier] de cette ‘‘sacralisation du concert’’ ». Si Haydn pouvait écrire plus de cent symphonies et Mozart une quarantaine en peu d’années, c’est bien à compter de Beethoven – dont le nombre de neuf symphonies ne sera pas dépassé par les compositeurs ultérieurs – que la symphonie, véritable « monument », va se hisser au plus haut rang de la hiérarchie des genres37.
Ainsi, musique de chambre et symphonies de Beethoven sont reçues dans un même mouvement :
- Le point de départ est l’exécution de la 1e symphonie, sous la direction de Habeneck, dans les Exercices publics des élèves du Conservatoire de Paris en 1807, suivie par la fondation, par Habeneck, de la Société des concerts du Conservatoire en 1828. Beethoven vient de mourir (1827), mais cet orchestre, quasiment consacré aux symphonies de Beethoven, « provoque une véritable secousse » : les symphonies sont exécutées environ 400 fois entre 1828 et 1870 et la réussite de Habeneck incite « un assez grand nombre de chefs d’orchestre [… à] créer d’autre sociétés symphoniques qui contribuent à la propagation des œuvres de Beethoven »38.
- La musique de chambre de Beethoven est connue assez tôt, dès 1800, par quelques œuvres éditées à Paris et va connaître un succès grandissant au fur et à mesure que les sociétés se créent : celle de Baillot (première audition du 14e Quatuor op. 131 le 24 mars 1829), d’Alard et Franchomme, sans oublier les séances des frères Dancla, Bohrer, Tilmant et Franco-Mendès39.
Les jugements sur Beethoven ont bien pu varier dans le temps, le fait que ses compositions – œuvres de chambre tout aussi bien que réductions d’œuvres orchestrales – aient circulé sans délai dans les cercles privés de la capitale parisienne a conduit à une réception de son œuvre, sans doute progressive, mais en profondeur40. Disons tout de même qu’il bénéficie « très vite d’une reconnaissance importante »41, en tout cas à compter de la monarchie de Juillet (1830-1848), « époque où les critiques contribuent au culte de Beethoven dieu de la musique instrumentale »42. Il faut néanmoins relever une opposition « quasi permanente, bien que de forme variée », de musiciens comme de critiques, portant sur le cœur même de sa conception de la musique : exprimer la vie, et non pas divertir.
Cette opposition ne vise certes pas son génie, ni sa grandeur humaine, ni sa valeur musicale, mais bien le but que poursuit sa musique. Ce qu’on lui reproche finalement, c’est de ne pas avoir joué le jeu de la corporation. C’est d’avoir fait de son œuvre un moyen au service d’une fin autre que la beauté musicale elle-même : la vie. C’est d’en avoir fait une action et non une évasion43.
Le romantisme de Beethoven
Cette critique, bien sûr, est celle du romantisme. La France romantique n’a pas suscité de philosophes de la taille des Herder, Lessing, Schlegel… ni de compositeurs de la hauteur de Beethoven ; elle a néanmoins profité indirectement des premiers par les traductions de Cousin (1792-1867) ; quant à Beethoven, on l’a vu, il aura été, en France, chez lui, puis « continué » par Berlioz. De facto, « le romantisme français a été de tous le plus vaste sinon le plus profond, et le plus durable sinon le plus fou ou le plus violent ». Il aura touché, « infiniment plus que dans les autres pays », le roman, l’histoire, la critique, le théâtre, la pensée politique et sociale, la peinture et la gravure, ainsi que « le goût moyen du public ». Enfin, le romantisme français s’est, « plus qu’ailleurs, renouvelé et métamorphosé jusqu’à nos jours »44, ce dont Paris, capitale mondiale et toujours actuelle du « romantisme », profite encore sur un plan touristique45.
Si la définition du romantisme reste controversée, dire que le romantisme consiste à « toucher chaque individu dans ce qu’il a de plus personnel : sa capacité de sentir, de se souvenir, de souffrir, de s’élancer vers le divin ou vers l’infini, et de forger un style et une technique à lui », conviendra à Beethoven comme à de très nombreux artistes et penseurs, sous un aspect ou sous un autre46. S’il faut encore ramener le romantisme à son aspect le plus général, on pourra parler « à la fois d’un mythe des origines et d’un idéal auquel on aspire »47. On parlera également d’« effort inachevable pour reconstituer l’unité d’un monde éclaté […], tentatives pour surmonter la scission entre l’objet et le sujet, entre le moi et le monde, le conscient et l’inconscient »48, ou encore « de réaliser une régénération intérieure de toute l’existence, comme l’avait proclamé Novalis »49.
En dépit du chevauchement des périodes classiques et romantiques que l’usage tient à distinguer (Beethoven aura rencontré et Haydn et Mozart), les traits caractéristiques d’une musique romantique peuvent être dégagés ; Jacqueline Jamin les ramène à cinq :
- L’individualisme de l’artiste, qui soumet son inspiration à l’expression de sentiments personnels.
- L’abandon de la forme classique : l’inspiration ne peut être enserrée dans un cadre précis.
- L’exagération des sentiments, qui conduit le musicien à des outrances orchestrales, des effusions lyriques, fort éloignées de la rigueur classique.
- L’amour de la nature, cher à Jean-Jacques Rousseau, occupe une place importante. Ce n’est pas ici une imitation sonore, mais la traduction des sentiments que la nature inspire à l’artiste.
- Le goût du fantastique, du surnaturel – que recrée l’imagination passionnée de l’artiste – est un des éléments les plus caractéristiques du Romantisme.50
Cet amour de la nature, dont l’origine est conçue comme surnaturelle, c’est bien le conseil de Ballanche aux poètes, en 1801, « d’aller aux champs, d’étudier la nature et d’en écouter le céleste concert », de telle sorte que la pensée s’ouvre « à l’intuition de la vérité » et s’éveille à « la morale et [à] la religion »51. C’est que, écrit Senancour (1770-1846), la nature est « le résultat harmonique de la combinaison de l’élément actif et de l’élément inerte »52 ; de plus, « tout est lié dans l’ordre social, dans l’ordre moral, dans l’ordre physique »53 – « harmoniques » qui auront eu leur écho dans les Harmonies de Lacuria.
Lacuria lit et écrit sur Beethoven, une élection non innocente
Si Lacuria élit Beethoven, pensons-nous, c’est, dans un contexte certes romantique, pour ces deux traits qui transparaissent dans l’œuvre du compositeur : la force morale triomphatrice des fonds obscurs et la vision optimiste de l’homme en marche vers la liberté. C’est également, croyons-nous, pour ces fortes analogies entre deux hommes, tous deux relativement esseulés et incompris, préoccupés toute leur vie par leur grand-œuvre et, l’un comme l’autre, menant une vie à l’image de leur foi et de leurs idées.
La Providence chez Lacuria lui permet de comprendre le « destin » chez Beethoven ; et cette compréhension n’est ni idéalisante, ni réductrice à la psychologie, ni dans l’illusion d’une objectivité impossible, ni dans une pure subjectivité sentimentale54. La « résignation » qu’on a pu lire rapidement chez Beethoven55 est surtout l’acceptation « de ce qui, inscrit au cœur de sa création […], lui échappe et le dépasse »56 : « Montre ta puissance, Destin. Nous ne sommes pas nos propres maîtres. Ce qui est décidé doit être. Qu’il en soit ainsi ! »57 De là la véritable « révolution beethovenienne : faire entrer le sujet comme compositeur, mais aussi permettre l’apparition du sujet comme contenu du discours musical »58. Et c’est bien tel que Lacuria l’aura vu : « Beethoven n’est pas un héros, il est beaucoup plus que cela, un homme véritable »59.
S’il va écrire ses propres articles, c’est parce que Lacuria, parisien fermement établi de 1847 à 1884, est abreuvé d’article de journaux sur Beethoven et, principalement, ceux de la Revue et Gazette musicale de Paris. De plus, il a lu l’article de Fétis qu’il cite60 et, probablement, cette Esquisse biographique de Beethoven composée par Ignace de Seyfried61 ainsi que la traduction française des Biographische Notizen über Ludwig van Beethoven (« Notices biographiques sur Louis Van Beethoven », par le docteur F. G. Wegeler et Ferdinand Ries)62 qu’a faite en partie Gottfried-Engelbert Anders (1795-1866)63 et qu’utilise et cite Lacuria, en particulier les traductions des cinq lettres de Beethoven qui s’y trouvent (trois à la bien-aimée non identifiée et deux à son « fils adoptif » : son neveu et héritier).
Lacuria a dû prendre également connaissance de l’ouvrage de Schindler : Biographie von Ludwig van Beethoven. Verfasst von Anton Schindler64 et sa traduction anglaise65, puisqu’il cite l’auteur, dès son article de 1859, quoique la traduction française, non rapportée par Fétis, ne date que de 186466. Par ailleurs, Lacuria a pu avoir connaissance d’un livre de M. F.-L. Berthé : Beethoven, drame lyrique, précédé de quelques mots sur l’expression en musique et sur la véritable poésie dans le drame lyrique (Paris : Denain, 230 p.), puisqu’il est de 1836.
En revanche, il est certain que Lacuria connaît le livre controversé de Lenz (1809-1883) sur les soi-disant « trois styles » de Beethoven67. Enfin, parmi la riche production littéraire antérieure à ses propres articles, il aurait pu avoir lu, de George Sand, la Symphonie pastorale de Beethoven (1833) ; de Cyprien Desmarais, Les Dix-huit Poèmes [Quatuors] de B., essai sur le romantisme musical (1839) ; d’E. Foa, Ludwig van Beethoven, ou le petit maître de chapelle (1841) ; ou, de maints auteurs, hommes de lettres et musiciens, parmi lesquels il faut mentionner Castil-Blaze, d’Ortigue, Berlioz, Barbedette, Blanchard, Bourges ou Th. Wartel, qui ont publié témoignages ou commentaires.
Il y a un autre type de documents : les partitions musicales, grâce auxquelles Lacuria va rencontrer Beethoven. D’une part, on le sait, Lacuria lit la musique (au concert, il tourne le dos à la scène et suit les partitions68) et, d’autre part, Beethoven, en « accord profond avec son époque », est « le premier à pouvoir tirer parti du grand essor de l’édition musicale à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle ». Surtout, « aucun musicien avant lui n’aurait eu autant que lui besoin d’en tirer parti ». Ainsi entreprend-il lentement mais sûrement son travail de composition et de publication : ce n’est qu’à trente ans qu’il livre au public sa première symphonie et ses premiers quatuors, fait très « anormal pour un musicien de cette époque », et il vise bien souvent d’abord l’édition, puis seulement la représentation69.
Ici intervient, « sorte de sultan de l’édition musicale »70, « la figure de Maurice Schlesinger [qui] domine de haut le monde de l’édition musicale en France au dix-neuvième siècle »71 : « ses opinions libérales l’incitèrent à mettre la musique ‘‘à la portée du plus grand nombre des amateurs’’72 et constitua à cet effet une ‘‘société pour la publication à bon marché de musique classique et moderne’’73 »74.
Principe métaphysique des travaux de Lacuria sur Beethoven
Lacuria dispose, en plus d’une certaine science, du « culte » de la musique, qui est pour lui « le parfum des nombres »75. Ce qu’il entend proposer, selon Serre, ce serait donc une métaphysique de la musique, « art divin, symbolique à ses yeux de cette harmonie suprême, de cette grande musique des êtres et des idées, qu’était pour lui la philosophie, c’est-à-dire la réalité universelle »76. En un mot, il aurait fait siennes ces spéculations sur l’harmonie universelle reposant « sur les rapports numériques qui définissent les principaux intervalles musicaux »77
Mais, à lire les deux articles de Lacuria, La vie de Beethoven écrite par lui-même dans ses œuvres et Les dernières confidences du génie de Beethoven, on voit surtout, sous sa plume, comment la musique est, « de tous les arts, celui qui raconte le mieux l’histoire des sentiments ». Traduire les sentiments, voilà le rôle dévolu à l’art musical ; ainsi en parle-t-il à Thiollier vers 1860 :
Les arts expriment le beau, mais tous à un point de vue différent et par des moyens différents. Ils ont chacun la supériorité dans leur genre. La poësie [sic] plus que tout autre art exprime l’idée pure, la peinture la beauté de la forme, la musique traduit les sentiments.
Lacuria à Thiollier, Lette autographe signée, s. l. [Paris], s. d. [années 60] ; Archives Thiollier.
Si le but essentiel de l’homme est le bonheur, écrit Lacuria dans son introduction à La Vie de Beethoven et en citant le nom de Pascal78, les sentiments qui transparaîtront par la musique balayeront la gamme qui va du désir de bonheur à la douleur de ne pas l’atteindre79.
Cependant, dans le cas de Beethoven, les sentiments ne sont pas tout. Si Beethoven, écrit Lacuria, est « difficile à apprécier, c’est que chez lui la pensée joue un grand rôle, c’est qu’il n’est pas seulement artiste, mais philosophe religieux »80. Il lui faudra donc rendre compte de ces deux composants de la musique de Beethoven : « richesse de la pensée, impétuosité des sentiments »81. Enfin, et comme le titre de son premier article l’indique, il ne s’agira pas ici de humer le « parfum des nombres », mais bien d’entrer dans la vie de Beethoven, que Lacuria entend montrer comme transparaissant tout entière dans sa musique. Pour ce faire, il utilise surtout la biographie de Schindler82, les souvenirs de Wegeler et Ries83, ainsi que la biographie de Lenz, qu’il ne manque pas de recommander à son ancien élève, l’archéologue et photographe Thiollier :
Je ne connais pas tous les ouvrages qu’on a écrits sur Beethoven, mais un des plus intéressants à coup sûr est celui de [Wilhelm von] Lenz intitulé Beethoven et ses trois styles, publié en 1855 chez [A.] Lavinée, éditeur de musique, 46, rue Notre-Dame des Victoires, 2 t. in.1884. Tachez [sic] de vous le procurer, il vous fera grand plaisir, vous y trouverez la conversation de Beethoven avec Bettina qui vaut une symphonie.
Lacuria à Thiollier, Lette autographe signée, s. l. [Paris], s. d. [années 60] ; Archives Thiollier.
On relèvera que cet exercice de Lacuria de mise en regard des sentiments que Beethoven éprouve dans sa vie au moment où il écrit ses œuvres, semble convaincant, tout spécialement – mais pas uniquement – pour la Symphonie n° 3 connue pour avoir été dédiée au premier consul, mais modifiée lorsque « le libérateur devint un tyran » : remplacement de l’andante « apothéose » par la Marche funèbre. En revanche, le commentaire de la Symphonie n° 4 qui y associe des lettres d’amour faussement datées paraît moins pertinent ; toutefois, on peut penser que, s’il ne s’agit donc pas de celle que Lacuria nomme génériquement Juliette, en référence à la pièce de Shakespeare85, il est tout à fait possible que Beethoven ait été au moment de cette symphonie-là, amoureux d’une autre femme, par exemple Thérèse von Brunswick (1775-1861), la sœur aînée de la famille Brunswick dont Beethoven possédait un portrait et dont Romain Rolland (1866-1944) écrit (1928) qu’elle « aime Beethoven depuis 1806, et qu’ils se seraient fiancés cette année-là »86. Il faut ajouter que si Lacuria travaille sérieusement, avec les éléments dont il dispose – sa perception sentimentale de la musique et sa connaissance de la biographie de Beethoven –, pour autant, il ne se « prend pas au sérieux », en dépit de ses convictions profondes, ses articles étant emplis de précautions langagières : « il me semble », par exemple revient presque à chaque paragraphe. C’est pourquoi il peut aller jusqu’à sermonner le jeune Thiollier lorsque celui-ci s’enthousiasme un peu trop pour Beethoven :
J’admire d’autant plus votre enthousiasme pour Beethoven que je le partage complètement. Cependant, quand on veut soutenir une cause, il faut se garder d’exagérer, car, comme disent les proverbes « qui prouve trop ne prouve rien »87.
C’est toujours maladroit d’accepter la comparaison entre les arts, comme entre l’homme et la femme. L’homme et la femme ne peuvent se comparer parce qu’ils n’ont pas la même fonction ni le même mode d’action ; c’est comme si on voulait décider qui l’emporte en force d’une couleur vive ou d’un son éclatant, ce sont deux forces d’ordre différent qui n’ont point de commune mesure et ne peuvent se comparer. Les arts expriment le beau, mais tous à un point de vue différent et par des moyens différents. Ils ont chacun la supériorité dans leur genre. La poësie [sic] plus que tout autre art exprime l’idée pure, la peinture la beauté de la forme, la musique traduit les sentiments. Les idées, les sentiments et les formes sont trois [choses ?] qu’on ne peut comparer, seulement chacun selon son organisation peut préférer pour lui une de ces trois manifestations du beau.
Quoique je sois plus sensible à la musique qu’aux autres arts, je me garderais de prétendre que la musique est en elle-même plus excellente que les autres arts.
[…] jamais je n’entreprendrai de prouver la grandeur de Beethoven, qui me remplit d’un nouvel étonnement chaque fois que je l’entends, à ceux qui le contesteraient. Car ceux-là ou ne la voient pas ou la nient volontairement. S’ils la nient volontairement, inutile de discuter avec la mauvaise foi. S’ils ne la voient pas, impossible de rien prouver, comment prouver à un aveugle que le rouge est une couleur plus éclatante que le vert ? Comment prouver à un ignorant que le mont blanc [sic] est plus haut que le clocher du village puisqu’il voit à l’horizon la pointe du mont blanc n’atteindre qu’à la moitié du clocher ?
[…] Je saisi l’occasion de terminer là ce sermon en disant Amen
Votre ami
Lacuria
Notes
- Onfray Michel, « Polémique. Michel Onfray allume le freud », Interview par François Lestavel, Parismatch.com, 27 avril 2010. Cf. Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Grasset, 2010.[↩]
- Tentation dénoncée par exemple par Reniers Dominique, « Beethoven et l’écriture du destin », Beethoven (revue de l’ABF), n° 11.[↩]
- Les harmonies de l’être exprimées par les nombres ou les lois de l’ontologie, de la psychologie, de l’éthique, de l’esthétique et de la physique, expliquées les unes par les autres et ramenées à un seul principe, Paris : Comptoir des imprimeurs-unis, 1844-47.[↩]
- Les harmonies de l’être (éd. de 1847), t. I, ii. Spécialement Voltaire : « Contentons-nous donc de savoir, par l’expérience appuyée du raisonnement », Traité de métaphysique, chap. 3 (1734), en ligne : www.voltaire-integral.com (consulté le 12/11/2011[↩]
- Lévi Éliphas, Dogme et rituel de la haute magie, t. I, Discours préliminaire, p. 20.[↩]
- Lettre de Lacuria à Lamennais, printemps 1844 ; « Inventaire… », Archives « Untereiner ».[↩]
- « Plus que jamais la science et la religion, le despotisme et la liberté, semblent se livrer une guerre acharnée et se jurer une haine irréconciliable. […] Le monde est las de morcellements et de divisions, et tend de toutes ses forces à l’unité », Lévi, op. cit., pp. 2, 52.[↩]
- Thiollier Félix, « L’Abbé Lacuria », L’Occident n° 11, Paris, Octobre 1902, p. 196.[↩]
- Bérard Bruno, « L’Abbé Lacuria, co-fondateur et directeur méconnu du collège d’Oullins », La Gazette Thomiste n° 52, Oullins : Centre scolaire Saint-Thomas-d’Aquin – Veritas, mai 2009.[↩]
- Cf. son opuscule De l’Église, de l’État et de l’enseignement, « extrait de la Revue du Lyonnais », Lyon : L. Boitel, 1847.[↩]
- Lacuria Paul, Contes [La Clé de diamant, L’Île de la vérité], « publiés par F. Thiollier », Saint-Etienne : Imprimerie générale, s.d. [1910].[↩]
- Lettre de Lacuria à Mouton, 22 mars 1846 ; Reynier (père), L’École St-Thomas d’Aquin à Oullins : De 1833-36 à 1886, Lyon : Vitte & Perrussel, 1886, p. 189.[↩]
- Soriano Marc, « Perrault (Charles) », Encyclopaedia Universalis [E.U.], 2007.[↩]
- Blanc Philippe, L’École Saint-Thomas d’Aquin-Veritas à Oullins : 1833-36 à 1986, Oullins : École Saint-Thomas d’Aquin-Veritas, 1986, p. 42 ; et Reynier (père), L’École St-Thomas d’Aquin à Oullins : De 1833-36 à 1886, Lyon : Vitte & Perrussel, 1886.[↩]
- Thiollier, ibid., pp. 197-198.[↩]
- Thiollier, ibid., pp. 198, 202, 204 ; et Serre Joseph, Trois études avec portrait. Un penseur lyonnais. Un grand mystique. Un Pythagore français. Lacuria 1806-1890, Paris : Henri Falque, et Lyon, Paul Phily, s.d. [1910], p. 6 ; et Lettre de Lacuria à Mouton, 15 juin 1850, Archives des Dominicains, Toulouse ; et « Journal de Mme de Rayssac », B.M.L., Ms 5.649, dimanche 17 juillet 1881, p. 156.[↩]
- Thiollier, ibid., pp. 206, 208.[↩]
- Bérard, « Retour vers une métaphysique du beau », Du religieux dans l’art, L’Harmattan, 2012.[↩]
- Thiollier, Paul Borel, peintre et graveur lyonnais, 1828-1913, Lyon : H. Lardanchet, 1913, p. 25.[↩]
- Serre, ibid., « Un Penseur lyonnais », p. 7.[↩]
- Serre, ibid., « Un Pythagore français », p. 5.[↩]
- Lacuria, Harmonies (éd. de 1847), t. I, p. 326.[↩]
- Lacuria, Harmonies (éd. de 1899), t. ii, ch. xii. Des Beaux-arts, pp. 201-205.[↩]
- Nietzsche Frederik, Crépuscule des idoles (1888), Maximes et pointes, § 33.[↩]
- Souriau Etienne, « Lyrisme musical », E.U. 2007. « C’est seulement de l’époque romantique que date le mythe du musicien tenant son génie de ses passions » (ibid.).[↩]
- Massin, « Beethoven », E.U., 2007. « L’identité de Beethoven est tout entière dans l’une [son œuvre] et dans l’autre [sa vie] » (ibid.).[↩]
- Massin, op.cit.[↩]
- Cahiers de la Quinzaine, dixième cahier de la quatrième série, Paris : Cahiers de la Quinzaine, 1903, Préface.[↩]
- Cf. par exemple l’article de Léon Danièle, « La réception de l’œuvre de Beethoven en France au XIXe siècle », Beethoven n°4, 2005, rendant compte de l’ouvrage de Beate Angelika Kraus de la Beethoven-Haus à Bonn.[↩]
- Billard Pierre, « Symphonie », E.U. 2007.[↩]
- En réaction à l’expression sentimentale de la musique instrumentale romantique, Satie proposera sa « musique d’ameublement » : musique qu’on ne doit pas écouter, fond sonore répétitif et volontairement simpliste, comme un retour à l’époque d’avant l’avènement romantique. Après quelques expériences en 1917, il essuie un échec lors de son lancement grand public en 1920, pour les deux entractes de la pièce de Max Jacob (1876-1944) Ruffian toujours, Truand jamais ; il aura néanmoins inauguré la musique de consommation – voire « d’ascenseur » –, le « fond sonore » que l’on connaît aujourd’hui ; David Salvador, « La ‘‘Musique d’Ameublement’’, ou le nouveau statut de la musique », site de Musique et idées, 11 mars 2008, URL : http://musiquesetidees.blogspot.fr/2008/03/la-musique-dameublement-ou-le-nouveau.html,consulté le 25 mars 2012.[↩]
- Kraus Beate Angelika (Dr) des Archives de la Beethoven-Haus Bonn, communication privée en lien avec son livre Beethoven-Rezeption in Frankreich: von ihren Anfängen bis zum Untergang des Second Empire (Series IV, vol. 13), Bonn : Beethoven-Haus, 2001et avec sa contribution à l’article « Beethoven » dans le Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle (dir. Joël-Marie Fauquet), Paris : Fayard, 2003, pp. 114-115.[↩]
- Rétrospective Index To Music Periodicals [RIPM] (1800-1950), « Gazette musicale », xxvii ; en ligne : www.ripm.org (consulté le 25 mars 2011). Mais sans oublier, en province, des villes comme Rouen, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse qui consacrent « une importante partie de leur budget à la subvention d’un théâtre lyrique digne de ce nom » (ibid., xxix).[↩]
- Kraus, communication privée.[↩]
- Par exemple, ils auront joué, salle Pleyel (rue Cadet puis rue Rochechouart, à l’époque) : Chopin en 1832, Liszt en 1833, Saint-Saëns en 1846 (à 11 ans).[↩]
- La souple « mécanique autrichienne », qui a fait passer Mozart du clavecin au piano, n’anticipe le XIXe siècle que de trente ans (1770, Johann Andreas Stein). Elle sera améliorée, « en partie sur les conseils de Beethoven » (Andreas Streicher, gendre de Stein), jusqu’à ce que la première moitié du siècle suivant devienne la plus féconde de l’histoire, tant en termes de « développement de la facture des pianos » que du répertoire correspondant ; Pâris Alain, Magne Daniel, « Piano », E.U. 2007.[↩]
- Billard, op. cit.[↩]
- Kraus, communication privée. Par exemple : Jean-Joseph Vidal (Athénée musical), T. Tilmant (Gymnase musical), Valentino (Concerts St-Honoré), Seghers et Reber (Union musicale), Pasdeloup (Société des Jeunes artistes puis Concerts populaires de musique classique), Colonne en 1873 et Lamoureux en 1881 (ibid.).[↩]
- Kraus, communication privée. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, on compte la Société des derniers quatuors de Beethoven créée par Maurin et P.-A. Chevillard, la Société Armingaud et Jacquard, le quatuor de Lamoureux avec ses séances populaires de musique de chambre (ibid.). La liste des œuvres jouées et leur fréquence se trouvent dans les livres de Kraus (Beethoven-Rezeption in Frankreich) et de Fauquet (Les Sociétés de musique de chambre).[↩]
- En référence aux travaux de Jean Mongredien, Prévost Maxime, « La Symphonie Politique : Notes Sur le Beethoven De Victor Hugo », Nineteenth-Century French Studies, vol. 30, n° 1 & 2, Fall-Winter 2001-2002, p. 69.[↩]
- Menger Pierre-Michel, « Le génie et sa sociologie. Controverses interprétatives sur le cas Beethoven », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 57e année, n° 4, 2002, pp. 967-999. Doi : 10.3406/ahess.2002.280089, URL : http://www. persee.fr/web /revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_4_ 280089, consulté le 08 déc. 2010, p. 968. D’où son questionnement sur les différentes causes possibles du succès de Beethoven.[↩]
- Kraus, communication privée.[↩]
- Massin, op. cit.[↩]
- Peyre, « Romantisme », E.U. 2007 ; seule l’architecture est restée en dehors (ibid.).[↩]
- « Il y a un mouvement romantique qui commence à partir de la fin du XVIIIe siècle et qui se développe jusqu’à maintenant sans interruption […]. Tous les retours au classicisme qui ont eu lieu au XIXe siècle à peu près tous les dix ans sont complètement et définitivement morts », déclarait Michel Butor à un critique américain qui l’interrogeait en 1962 ; Peyre, op. cit.[↩]
- Ainsi a-t-on pu voir un certain romantisme dans le moi transcendantal de Fichte, accès au monde, et à Dieu, dans un contexte romantique où « chaque individu est le point de référence essentiel » ; Zerner Henri, « Romantisme », E.U., 2007.[↩]
- Zerner, op. cit.[↩]
- Fizaine Jean-Claude, « Les aspects mystiques du Romantisme français. État présent de la question », Romantisme, 1976, n°11 (pp. 4-14) ; doi : 10.3406/roman.1876.5026 (site Persée.fr), p. 4.[↩]
- Eichendorff, cité par Peyre, op. cit. C’est nous qui soulignons. Joseph von Eichendorff (1788-1857) fut l’un des « chantre[s] de la forêt allemande, de la Wanderlust [:] la joie des longues randonnées pédestres », activité que ni Lacuria ni Beethoven n’auront manqué de pratiquer ; Pauline Georges, « Eichendorff (Josef von) 1788-1857 », E.U., 2007.[↩]
- Jamin Jacqueline, Histoire de la musique, Paris : Alphonse Leduc, 1966, pp. 72-73.[↩]
- Juden Brian, Traditions orphiques et tendances mystiques dans le romantisme français, 1800-1855, Paris : Klincksieck, 1971 ; rééd. Genève : Skaltine, 1984, p. 246.[↩]
- Senancour Étienne Pivert de, Rêveries, « Treizième Rêverie », t. I, Paris : Société des textes français moderne, 1910, p. 192 ; Juden, op. cit., p. 239.[↩]
- Senancour, op. cit., « Quatorzième Rêverie », t. I, p. 198 ; Juden, op. cit., p. 239.[↩]
- Selon les deux doubles écueils dénoncés par Reniers, « Beethoven », Beethoven n° 11, 2009, pp. 1-3.[↩]
- Ses lettres d’aveu à Wegeler ou à Amenda ; Reniers, op. cit., p. 9.[↩]
- Reniers, op. cit., p. 9.[↩]
- Beethoven, Carnets intimes, p. 46 ; Reniers, op. cit., p. 9.[↩]
- Reniers, op. cit., p. 12. Le sujet comme compositeur se réfère à Olivier Revault d’Allonnes, Plaisir à Beethoven, p. 43 (ibid.).[↩]
- Reniers, op. cit., p. 11. Souligné dans le texte.[↩]
- Lacuria P., La Vie de Beethoven écrite par lui-même dans ses œuvres, Paris : imp. Simon Raçon et Comp., s.d. [1859], p. 7.[↩]
- Paru comme supplément dans Ludwig Van Beethoven’s Studien im Generalbasse, Contrapuncte und in der Compositions-Lehre (Vienne, 1832), livre dont Fétis a signé la traduction française : Études de Beethoven. Traité d’harmonie et de composition (Paris : Schlesinger, 1833, 2 vol.) et qu’il cite : Fétis François-Joseph (1784-1871), Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, vol. 1, Paris : Firmin-Didot, 1866-1868., p. 318.[↩]
- Coblence : Bädeker, 1838, 184 pages.[↩]
- Détails biographiques sur Beethoven d’après Wegeler et Ries, par G. E. Anders, Paris : bureau de la « Revue et Gazette musicale », 1839, III-48 pages ; notice BnF n° FRBNF31629693. À noter deux autres traductions françaises, une par Döhler la même année (1839), et celle de A.-F. Legentil, plus tardive (1862).[↩]
- Münster, 1840, 290 pages.[↩]
- « Le célèbre pianiste et compositeur Moscheles a traduit en anglais le livre de Schindler, avec des additions et des analyses des œuvres de Beethoven » : Londres, 2 vol., 1841.[↩]
- Histoire de la vie et de l’œuvre de Ludwig Van Beethoven, écrite en allemand par Antoine Schindler ; traduite et publiée par Albert Sowinski, Wojciech, Paris : Garnier, 1864, XXVI-395 pages. Dès lors, nous pensons que Lacuria n’a qu’une connaissance indirecte des textes de Schindler, probablement par Ries qu’il cite en même temps (Lacuria, La Vie de Beethoven, p. 7).[↩]
- Beethoven et ses trois styles. Analyses des sonates de piano, suivies de l’essai d’un Catalogne critique, chronologique et anecdotique de l’œuvre de Beethoven, par Lenz Wilhelm von, Saint-Pétersbourg : Bernard, 1852, 2 vol.[↩]
- Thiollier, « L’abbé Lacuria », p. 206.[↩]
- Massin, « Beethoven », op. cit.[↩]
- Guichard, Musique et les lettres, 177-78 ; RIPM, « Gazette musicale », xxx.[↩]
- Devriès, « Schlesinger », 125 ; RIPM, « Gazette musicale », xxiv.[↩]
- Devriès, « Schlesinger », 128 ; RIPM, « Gazette musicale », xxiv.[↩]
- Cf. Devriès, « La Musique à bon marché », Music in Paris in the Eighteen-Thirties, Peter Bloom, éd. (New York : Pendragon Press, 1987, 241 ; RIPM, « Gazette musicale », xxiv.[↩]
- RIPM, « Gazette musicale », xxiv.[↩]
- Cette expression, citée par Serre, op. cit., « Un Pythagore français », p. 1, est à lire dans Les Harmonies (1899), t. ii, ch. xii. Des Beaux-arts, p. 205.[↩]
- Serre, op. cit., « Un Pythagore français », p. 1.[↩]
- Brach Jean-Pierre, La symbolique des nombres, coll. « Que sais-je ? », P.U.F., 1994, p. 8. Egalement : Mazliak Laurent, « Musique et Mathématiques. Trois millénaires d’une histoire d’amour mouvementée », site de Jussieu, URL : http://www.proba.jussieu.fr/users/lma/mathmu/mathmu.html, consulté le 13 nov. 2010. Rapports numériques qui, en outre, sont mis en correspondance avec les volumes géométriques et, dès l’origine et jusqu’à Kepler (1571-1630), avec les planètes du système solaire, Kepler qui fait sienne « une ‘‘harmonie des sphères’’ très pythagorico-platonisante » ; Brach Jean-Pierre, « L’Astrologie à la Renaissance », L’Astrologie, Paris : Albin Michel, 1985, p. 115.[↩]
- Il se réfère aux Pensées, § 148 : « Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but… La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions des hommes », ou aux Pensées, § 134 : l’homme « veut être heureux et ne veut être qu’heureux, et ne peut ne vouloir pas l’être ».[↩]
- Lacuria, La Vie de Beethoven, p. 3. Nous suivons ici l’édition de l’opuscule s. d. [1859 ?] – extrait de la Revue française – dont nous disposons.[↩]
- La Vie de Beethoven, p. 4.[↩]
- La Vie de Beethoven, p. 3.[↩]
- La BnF recense d’Anton Schindler (1795-1864), sa Biographie von Ludwig Van Beethoven, Münster : Aschendorff, 1840 (et son additif Beethoven in Paris, Münster : Aschendorff, 1842), mais ne lui connaît pas de traduction antérieure à l’article de Lacuria ; en effet, l’Histoire de la vie et de l’œuvre de Ludwig van Beethoven, traduite et publiée par Albert Sowinski, Paris : Garnier frères, sort en 1865.[↩]
- Ferdinand Ries (1784-1838) – dont le père, Franz Anton Ries (1755-1846), enseigna le violon à Beethoven – fut l’élève puis l’ami de Beethoven avec qui il entretint une correspondance, notamment au sujet de l’exécution des œuvres du maître en Angleterre. Lacuria a eu connaissance de ses témoignages par le livre de Gottfried-Engelbert Anders, Détails biographiques sur Beethoven d’après Wegeler et Ries, Paris : bureau de la « Revue et Gazette musicale », 1839, qui contient, en particulier, la traduction de cinq lettres de Beethoven que Lacuria utilise dans son article (cf. notice BnF n° FRBNF31629693). Le Dr (en médecine) Franz Gerhard Wegeler (1769-1848) était un ami d’enfance de Beethoven.[↩]
- Lire « in-8° ». Titre complet : Beethoven et ses trois styles, analyses des sonates de piano, suivies de l’essai d’un catalogue critique, chronologique et anecdotique de l’œuvre de Beethoven. Cf. BnF notice n° FRBNF30791789.[↩]
- Shakespeare est une référence majeure des romantiques ; cf. par exemple, Stendhal, Racine et Shakespeare, Paris : Bossange, 1823, qui sera doté du sous-titre « études sur le romantisme » dans la rééd. de 1854 (Paris : Michel Lévy et Paris : Calmann-Levy).[↩]
- Prévot Dominique, « Les nombreuses immortelles bien-aimées », site de l’ABF (Association Beethoven France et francophonie), URL : http://www.lvbeethoven.com/Amours/BienAimee.html, consulté le 16 nov. 2010.[↩]
- « Trop d’empressement à vouloir convaincre d’une chose provoque le soupçon, l’incrédulité », précise le Dictionnaire de l’Académie française (8e éd.).[↩]