Réflexions inédites en prévision d’une conférence C.E.P. (Centre d’études et de prospective sur la science), La Clarté-Dieu, Orsay, 5 octobre 2024.
La science ayant considérablement varié au cours des millénaires, nulle surprise si la dérive scientiste pouvant l’accompagner a pu varier également. Dès lors, on ne saurait définir le scientisme sans avoir d’abord caractérisé la science. Si les scientifiques ne sont quasiment jamais scientistes, on en vient néanmoins à se demander si la science ne serait pas intrinsèquement scientiste. Une fois ce doute exprimé, il faut bien tenter de le lever ou de confirmer une certaine « scientisticité » de la science.
Introduction
Si cette question se pose, c’est que, bien que dénoncé par la science elle-même, le scientisme semble en découler quasi naturellement, non seulement culturellement, dans les esprits des temps et hors de la science, mais également en science même, du fait de méthodologies, certes parfaitement scientifiques, mais qui pourraient se révéler scientistes par nature. C’est la question !
Le problème du scientisme n’est pas nouveau ; il a été discuté depuis de nombreuses décennies par de multiples philosophes, tels Stanley Hoffmann (1928-2015)1, Tom Sorell (1951)2, Gregory Peterson3, Anastasios Brenner (1959)4, etc., mais aussi par des scientifiques, tels Arthur Eddington (1882-1944), Wittgenstein (1889-1951), Friedrich Hayek (1899-92)5, Jean Fourastié (1907-1990), Wolfgang Smith (1930), etc.
Après avoir rappelé ce qu’on peut entendre par science et par scientisme, cet essai cherchera à répondre à cette question d’un point de vue plutôt métaphysique.
Science et scientisme, définitions.
Nous comprendrons ici le concept de science, très classiquement, comme étant la connaissance par les causes (scientia est cognitio per causas), en revanche, la notion de scientisme (sens péjoratif) apparaît bien plus complexe, englobant des croyances ou des considérations telles que seule la science permet la connaissance, qu’elle peut résoudre toute question philosophique ou encore qu’elle constitue la solution à toute question humaine (politique, sociale, éthique…) ; il s’agit alors d’« organiser scientifiquement l’humanité » selon la « légitime prétention de la science moderne », pensait Ernest Renan (1823-1892)6.
Face à cet extrême, rappelant certains régimes de sinistre mémoire mais que Renan n’avait bien sûr pas à l’esprit, on peut classer ainsi les différents aspects du scientisme, voire des scientismes, selon leur prétention décroissante :
- « L’esprit et les méthodes scientifiques doivent être étendus à tous les domaines de la vie intellectuelle et morale ».7
- « Ne gardant aucune trace de son origine humaine [… la science] a une valeur absolue »8,
- La science donne une description fidèle du monde, qu’il s’agisse de la science empirique (Sorell, op. cit.) ou des méthodes inductives9.
C’est-à-dire que les composantes clefs du scientisme peuvent se résumer à deux idéologies, toujours actuelles :
- La science permet de tout connaître – tel le philosophe logicien Quine (1908-2000) ne voyant plus la différence de nature entre philosophie et science ;
- Il convient de l’appliquer à tout – tels les modèles permettant de mesurer l’amour humain10 ou Karl Popper (1902-1994) dénonçant cet « usage naïf » des sciences exactes en sciences humaines.
Scientisme, une rétrospective antichronologique
Période contemporaine.
Débutant par le XXIe siècle, le scientisme nécessairement est toujours à l’œuvre puisqu’il est copieusement dénoncé ; citons l’historien Peter Schöttler (1950) : « Scientisme. Sur l’histoire d’un concept difficile » (2013)11, l’épistémologue Jean Paul Charrier : Scientisme et occident : Essais d’épistémologie critique (L’Harmattan, 2011), le psychanalyste Hervé Castanet : Un monde sans réel. Sur quelques effets du scientisme contemporain (Himeros, 2006), l’agronome Matthieu Calame : Lettre ouverte aux scientistes : alternatives démocratiques à une idéologie cléricale (éditions Charles Léopold Mayer, 2011), le mathématicien et physicien Wolfgang Smith : Ancient Wisdom and Modern Misconceptions – A Critique of Contemporary Scientism12 (Angelico Press, 2013), etc.
Tout au long du XXe siècle, les critiques du scientisme n’ont pas manqué, notamment contre l’hégémonie de la science et sa dérive en technoscience ; mentionnons les fameux Georges Bernanos (1888-1948) dans La France contre les robots (1947)13, la société industrielle et son machinisme réduisant significativement la liberté des citoyens et conduisant à des modes de pensées déviés, Bertrand Russell (1872-1970) dans ses Essais sceptiques14, promouvant spécialement une nécessaire indépendance d’esprit ou Bill Joy (1954), mettant en garde contre une fin de l’humanité15. Ajoutons André Valenta : Le scientisme ou l’incroyable séduction d’une doctrine erronée (Mélodie, 1995) ; René Laforgue : Au-delà du scientisme (Guy Trédaniel, 1995), Claire Salomon-Bayet, « Contre le scientisme ordinaire » (Le Débat, n° 73, janvier-février 1991), Friedrich Hayek, déjà cité, et jusqu’au chirurgien Jean Fiolle (1884-1955) : Scientisme et science (Mercure de France, 1936).
C’est que le XIXe siècle fut un grand siècle scientifique dans tous les domaines telles les mathématiques (Cauchy, Galois, Gauss, Riemann…), la chimie (Mendeleïev…), la biologie (Lamarck, Claude Bernard…), la médecine (Jenner, Pasteur…), la génétique (Mendel…), la physique (Fresnel, Huygens, Maxwell, Gauss, Ampère, Faraday, Sadi Carnot, Bolzmann, Hertz, Pierre et Marie Curie …), etc.
Nulle surprise donc si le scientisme prend parallèlement une vivacité hors pair avec, notamment, Charles Darwin (1809-1882), Saint-Simon (1760-1825) et Auguste Comte (1798-1857) avec sa fameuse loi des trois états. C’est d’ailleurs à ce moment que le mot apparaît (1898)16 avec initialement les significations conjointes positive (Le Dantec17, Abel Rey18) et péjorative (« fétichisme scientiste », dira Victor Hugo), discriminant les positions d’engouement excessif et de recul nécessaire vis-à-vis de la connaissance scientifique.
On le voit, à cette période contemporaine, le scientisme intègre ainsi une notion d’évolutionnisme – tout ce que la science ne sait pas expliquer, elle saura le faire plus tard –, lié à l’idéologie du progrès, elle-même discriminée entre critique du monde moderne (René Guénon, etc.) et apologie du modernisme19 jusqu’au transhumanisme. Paradoxalement, ce scientisme inclut également une notion de positivisme, c’est-à-dire l’idée de s’en tenir aux relations entre phénomènes, privilégiant l’élaboration des lois de la science positive plutôt que la recherche des causes.
Époque moderne.
On trouvera les prémices du scientisme au XVIIIe siècle, avec les « sciences positives » d’un Lagrange (1795-1796) ou d’un Condorcet (1743-1794) après leur édification au XVIIe par Francis Bacon (1560-1626), Galilée (1564-1642) et Descartes (1596-1650)20. Dès les débuts de l’ère moderne, le concept de progrès, de progression, voire d’évolutionnisme (au sens générique) y est déjà à l’œuvre21, c’est le temps que met la raison, à partir des sensations, pour accéder à la « positivité rationnelle » et que Kant (1724-1804) mettra philosophiquement en musique22. Si l’on est d’accord pour voir dans l’exclusivité « positiviste » de la science, les prémices du scientisme, alors, la réduction rationaliste qui l’accompagne en est partie prenante. S’y ajoute la rupture d’avec la science aristotélicienne, préparée par Gassendi (1592-1655)23 et que Descartes entérinera dans son Discours de la méthode (1637).
Moyen Âge.
On peut faire remonter cet « esprit positif » au Moyen Âge24 et jusqu’au XVe siècle, période dont Roger Bacon (1214-1294), promoteur de la méthode expérimentale initiée par Robert Grossetête (1168-1253), pourra être le digne représentant.
Sa compréhension pragmatique de la science et de la technique lui fait envisager les machines que nous connaissons aujourd’hui :
des machines sans rameurs, si bien que les plus grands navires sur les rivières ou sur les mers seront mus par un seul homme avec une vitesse plus grande que s’ils avaient un nombreux équipage […], des voitures telles que, sans animaux, elles se déplaceront avec une rapidité incroyable […], une machine permettant à un homme d’en attirer à lui un millier d’autres par la violence et contre leurs volontés […], des machines pour se déplacer dans la mer et les cours d’eau, même jusqu’au fond, sans danger. […] Et l’on peut réaliser de telles choses presque sans limites, par exemple des ponts jetés par-dessus les rivières sans piles ni supports d’aucune sorte, et des mécanismes et des engins inouïs.25
Faut-il y voir les prémices de la preuve par la technique de la connaissance scientifique, ce qui fera le scientisme de l’ère « postmoderne » de la technoscience ? Probablement pas. En revanche, l’étroite association science et technique, ou théorie et expérience, est engagée et en découlera, par dérive, ce qu’on dénommera bien plus tard la « technoscience ».
Plus fondamentalement, Bacon affirme la nécessité d’employer les mathématiques dans les sciences : « Toute science requiert les mathématiques » (« omnis scientia requirit mathematicam »26), engageant la connaissance scientifique dans l’abstraction quantitative, qui semble la seule qui lui reste aujourd’hui, au détriment des qualités.
Pour autant, dans la mesure où l’abstraction mathématique n’est qu’un outil complémentaire à d’autres approches et considérations27, que lui reprocher à cette époque ? comme de nos jours d’ailleurs. Ainsi, Roger Bacon, n’en déplaise à Comte, reconnaît bien deux expériences : « l’une passe par les sens extérieurs […] et cette expérience est humaine et philosophique », c’est-à-dire la construction rationnelle, l’autre consiste en « illuminations intérieures »28, c’est-à-dire la réception des intelligibles29.
Antiquité.
La Grèce conçoit une science essentiellement « désintéressée » : il ne s’agit pas de se rendre maître de la nature, mais, étant source de contemplation, la nature ne saurait être dominée, mais, au mieux, comprise. De plus, les œuvres techniques liées aux sciences étant dans les mains d’esclaves, le machinisme, qui aurait pu être développé, ne paraît pas nécessaire et, même, aura conduit à un « mépris du travail manuel [… si bien que] les arts mécaniques s’opposent, comme serviles, aux arts libéraux, et les hommes libres refusent de les pratiquer »30.
Sa science ne s’est jamais « beaucoup rapprochée du réel physique ; elle a peu emprunté à l’observation des phénomènes naturels ; elle n’a pas fait d’expérience. La notion même d’expérimentation lui est demeurée étrangère. Elle a édifié une mathématique sans chercher à l’utiliser dans l’exploration de la nature»31. On dira même que, si le monde social « doit être soumis au nombre et à la mesure, la nature représente plutôt le domaine de l’à-peu-près auquel ne s’appliquent ni calcul exact ni raisonnement rigoureux »32.
Ce système de pensée, dont Aristote, néanmoins et paradoxalement le fondateur de la rigueur du discours scientifique, est le représentant « absolu », va se répandre et se maintenir dans les mondes successifs ultérieurs, fussent-ils grecs, latins, byzantins, islamique, et jusque dans la chrétienté médiévale.
Scientisme, des racines donc plutôt modernes
Tout le Moyen Âge a connu des inventions importantes (telle la charrue au VIe s. ou la meule d’affutage au XIe, par exemple), mais c’est à compter du XIIe siècle qu’on relève l’important déploiement d’avancées technologiques, fût-ce des objets (lunettes de vue, horloges, aimant, bouton, compas, rouet, etc.) ou des procédés techniques (poudre noire, imprimerie, distillation, haut fourneau, brouette, etc.). Surtout, le fait que la technique artisanale parvienne, en dépit d’une approche empirique, à des réalisations stupéfiantes (cathédrales, machines…), la fait sortir ainsi de sa situation dépréciée, permettant un rapprochement des arts libéraux et mécaniques et inaugurant les grandes inventions des XIV et XVe siècles (horloges à poids, canons, verre plat, automates, canaux et écluses, machinisme minier, etc.).
Sans surprise, c’est à la Renaissance que les choses vont vraiment changer. Comparé à la science « désintéressée » qui aura subsisté jusque-là, la science va, d’une part, développer ses propres instruments et, d’autre part, prendre comme objet d’étude les machines développées par les ingénieurs jusqu’à pouvoir les concevoir avant qu’elles soient construites. La science appliquée apparaît et progressivement devient partie prenante de la science.
Démarrant à la fin de la Renaissance, au XVIIe s., avec les Galilée (1564-1642), Descartes (1596-1650) et Newton (1642-1727), notamment, cette fusion entre théorie et pratique sera consommée à la fin du XVIIIe s. Entretemps, on sera passé, lit-on parfois, de Francis Bacon : « On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant » (Novum Organon, 1620) à René Descartes : devenir « maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, sixième et dernière partie). Toutefois, si on lit bien le respect de la nature et une certaine sagesse dans la nécessaire « obéissance » signalée par Bacon, Descartes n’apparaît de facto pas moins sage. D’abord, il dit précisément :
[…] il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. [nous soulignons]
Et il précise ce qui en est des connaissances « utiles à la vie » :
Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.
Cette visée, écologique avant l’heure, est sage. Ne pas tomber dans l’erreur de Heidegger attribuant à Descartes la source du concept de domination irraisonnée de l’homme sur la nature, c’est justement discerner entre risque de scientisme (la science est au-dessus de tout) et science (connaissance progressive, aussi utile qu’imparfaite), pouvant seulement « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » en vue de préserver la santé et la vie.33
Touchant, avec la nature, au vivant, Yann Arthus-Bertrand (1946) rejoint plutôt le Descartes originel lorsqu’il dit « l’humain a cru dominer la nature, aujourd’hui elle se rappelle à lui » (Legacy, notre héritage, 2020) ; il serait temps de lui obéir un peu plus, dirait Bacon.
Un dernier élément historique nous paraît devoir être pris en compte, c’est, spécialement au XIXe siècle, un rejet desdites « croyances » religieuses, opposées à un savoir rationnel, positif et qui suivra le rationalisme d’un Kant, parangon de cette épistémè dix-neuvièmiste (que l’on pense au grotesque de sa « Religion dans les limites de la simple raison »)34.
Scientisme, sources et déploiement
À la lumière de cette enquête historique, certes succincte, on peut néanmoins dégager ce qui constituerait les sources du scientisme, sachant que la science s’étant passablement transformée au cours des siècles, tout scientisme est daté et indissociable de l’état de la science de son temps.
Déconnexion du réel.
On pourrait sans doute anachroniquement qualifier de scientiste la science de l’Antiquité et jusqu’au Haut Moyen Âge35, puisque, étant essentiellement théorétique (c’est-à-dire visant une connaissance purement spéculative), elle s’est tenue plutôt déconnectée des réalités naturelles. Un tel scientisme, intrinsèque, tiendrait de cette déconnection du réel à laquelle la physique théorique actuelle semble être revenue. C’est, en tout cas, ce qu’indiquent les physiciens actuels :
la mécanique quantique oblige à renoncer à une description de la réalité autre que celle de son apparence à travers les phénomènes empiriques ; il en résulte que « la prétention de la physique de décrire la réalité en soi doit être abandonnée » ;
Hervé Zwirn (1954)36
La description physique est volontairement réductrice, c’est-à-dire ne s’intéresse pas à beaucoup de choses. Elle refuse de prendre beaucoup de choses en compte parce qu’elle n’en a pas besoin. Dans la conception quantique, un chien, c’est une fonction d’onde. En outre, je ne pense pas qu’on puisse séparer la fonction d’onde du chien de celle du reste de l’Univers, parce que la conception quantique implique une globalité, selon laquelle il n’y a qu’une seule fonction d’onde, celle de l’Univers. […] La réalité, elle y est, personne ne l’épuise, ni en nommant le chien, ni en l’aimant, ni en le disséquant. Mais je répète que la physique n’a pas besoin de supposer que cette réalité existe ou n’existe pas ;
Marc Lachièze-Rey (1950)37
La théorie des champs, la mécanique quantique, la théorie de l’information et la théorie des systèmes dynamiques sont toutes complices pour mettre au premier plan de notre vision du monde des concepts dématérialisés comme le processus ou l’information. […] C’est le monde du signal qui s’installe. Un univers du sans objet, où seuls les signes importent. Une culture dominée par l’information multiforme.
Simon Diner 38
Cette « absence ontologique » du monde est devenue de plus en plus criante en physique. On a eu l’ancestrale ontologie de la substance – jusqu’à Galilée –, puis l’encore récente et toujours matérielle ontologie de la matière-énergie – avec Einstein (1879-1955) – ; désormais, la physique propose une « ontologie de l’absence de substrat »(expression de Simon Diner.). Eddington (1882-1944) le déclarait déjà en 1938 : « le concept de substance a disparu de la physique fondamentale »39 ; c’est que, dira Wolfgang Smith (1930), l’univers physique n’est pas découvert, mais construit par le modus operandi de la physique : les mathématiques, qui « ne sont pas là jusqu’à ce que nous les mettions là ».
N’y aurait-il pas ici, un scientisme intrinsèque à la physique actuelle, abandonnant la connaissance du réel au bénéfice d’une pure abstraction mathématique ?
Toutefois, contrairement à ce qui a pu être suggéré, il ne faudrait pas assimiler science ancienne et science moderne, sous l’angle d’un désintérêt du réel, de la matérialité concrète des choses au profit d’une pure spéculation. C’est que réel et pensée spéculative s’y définissent de façon bien différente. La science moderne renonce à la connaissance du réel, d’une part, au profit d’une abstraction et d’une reconstruction mathématique d’un monde concret devenu inconnaissable par sa réduction constitutive40 et, d’autre part, dans un contexte d’effectuations utilitariste et non de réelle connaissance. La science ancienne, bénéficiant de l’ouverture philosophique, ne se désintéresse pas tant du monde concret, qu’elle sait incomplet : il n’est pas entièrement donné. Dès lors, sa connaissance spéculative peut et doit prendre en compte le réel, métaphysiquement : le cosmos est de toute évidence part d’un métacosme. Ainsi, si la science moderne peut apparaître dans cet optique comme scientiste, il n’en est rien de la science ancienne. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire serait de ne servir à rien, mais ne serait-ce pas alors un compliment : elle vise une connaissance intégrale, qui, nécessairement, devient contemplation des mondes, et non pas une exploitation-destruction de la terre.
Technicisme.
Ce que l’on voit de la science à la fin et juste après la Renaissance, c’est essentiellement une jonction de la théorie et de la pratique, du théorétique et de la technique, sans chercher nécessairement à dominer la nature de façon inconsidérée, on l’a vu. Si la technique se développe par la suite et jusqu’à nos jours de façon souvent inconséquente pour l’homme et l’environnement, il n’y a pas lieu de parler de scientisme. C’est alors l’industrie et le modèle économique d’exploitation qui est la source directe des dérives, et non la science en tant que telle. Celle-ci ne devient coupable de scientisme, que lorsqu’elle s’associe de si près à la technique qu’on parlera alors de technoscience. Ce scientisme est un aveuglement quant aux conséquences, une foi excessive dans une science supposée vertueuse.
Une conséquence de ce technicisme, qui n’est pas anodine, se trouve très précisément dans la technocratie régnante – et la bureaucratie qui l’accompagne, si bien qu’on pourra dire que le pays (France) est sur-administré et sous-gouverné. Platon aurait voulu que gouvernent les philosophes, les scientistes les plus radicaux du XIXe siècle voudront que le pouvoir politique soit confié à des savants plutôt qu’à des politiciens. Cet aspect politique du scientisme techniciste ne semble plus à la mode actuellement.
Positivisme, évolutionnisme, progressisme.
Avec les positivisme, évolutionnisme et progressisme, le XIXe siècle est sans conteste le siècle du scientisme, mais ce scientisme n’est pas d’abord chez les scientifiques. Saint-Simon, Fourier (1772-1837), Renan (1823-1862), Comte sont en effet des philosophes ou réfléchissent en tant que tel (Comte). Seuls Charles Darwin et Teilhard de Chardin semblent des scientifiques scientistes, mais c’est dû à des idéologies. Or, la prégnance d’idéologie en science ou à sa marge est une cause entendue, qui a d’ailleurs été parfaitement dénoncée et illustrée par le philosophe Georges Canguilhem (1904-1995)41. Et on en a eu, jusqu’à récemment des illustrations avec les ouvrages de Stephen Hawking42 ou, plus anciens, de Teilhard de Chardin, dont les idéologies – ou la science-fiction – ont été proprement démasquées par Wolfgang Smith43 !
Sans conteste, on peut voir l’évolutionnisme comme une idéologie proche de celle du progrès. Le mythe du progrès est bien sûr moins dans l’esprit des scientifique que dans l’esprit du grand public. Cette idée de Progrès a été formulée en système entre 1680 et 1730, selon l’historien Frédéric Rouvillois44. Dès lors fut établie la conception selon laquelle tout est intrinsèquement appelé à se perfectionner, quasi naturellement et à perpétuité : le savoir, la technique, la raison, la moralité, le bonheur, le langage et les institutions publiques.
Les utopies du XIXe, économiques, sociales, politiques… en feront les frais, même si la notion de progrès est contestée dès le début du XIXe siècle par l’article fameux de Karl Kraus (1874-1936)45, écrivant que le progrès est tout au plus une forme, et même probablement beaucoup moins que cela, à savoir un cliché ou un slogan, mais sûrement pas un contenu »46. Sa définition du progrès mérite d’être citée, tant elle est actuelle aujourd’hui, deux siècles plus tard :
le progrès est le prototype du processus mécanique ou quasi mécanique auto-alimenté et auto-entretenu qui crée à chaque fois les conditions de sa propre perpétuation, notamment en produisant des inconvénients, des désagréments et des dommages qu’un nouveau progrès peut seul permettre de surmonter47.
On peut voir la sécularisation de la culture comme l’une des conséquences du mythe du progrès, puisque la science finira par tout expliquer, et la mort de Dieu48 laisse la place au « surhomme » que le mouvement culturel et intellectuel international du transhumanisme promeut inlassablement.
Ainsi, ce mythe n’est pas mort et continue à être dénoncé au XXIe siècle par historiens et philosophes, notamment Jacques Bouveresse, avec une édition posthume en 2023 : le mythe moderne du progrès49. Une illustration typique de cette persistance du mythe du progrès est le fait que, comme le constatait récemment Georg Henrik von Wright (1916-2003), « une croissance économique continue est une condition de la résolution des problèmes qu’une production industrielle intensifiée et rationalisée crée elle-même ». C’est-à-dire que le progrès est resté l’auto-solution aux problèmes qu’il pose ; le progrès progresse ! dirait Heidegger. Il suffit de taxer les dénonciateurs des maux causés par le progrès d’anti-progrès, pour dédouaner le progrès, perpétuelle solution de lui-même et à lui-même.
Ce progressisme est un scientisme dangereux, mais on ne le trouve pas vraiment en science même.
Réduction rationaliste.
Parmi les causes culturelles du scientisme, il faut mentionner le kantisme sournois dans lequel nous baignons depuis le XIXe siècle et qui s’est trouvé associé à la sécularisation de la culture.
C’est la distinction fondamentale entre la raison et l’intelligence, qui a perduré plus de deux mille ans, y compris chez un Roger Bacon initiant la science expérimentale. Certes, les deux coexistent dans l’esprit humain, mais leurs fonctions sont bien distinctes : la raison est une puissance de raisonnement, c’est-à-dire de calcul, fût-ce un « calcul d’idées » ; l’intelligence, c’est ce qui permet de comprendre calculs et raisonnement. Surtout, si la raison opère dans le conceptuel, l’intelligence participe à et de l’intelligible ; elle est réception du sens – lequel est ingénérable : on ne peut se forcer à comprendre ce qu’on ne comprend pas, disait Simone Weil (1909-1943)50 ou on ne peut se forcer à penser ce qu’on ne peut pas penser, disait le philosophe (G.E.) Moore (1873-1958)51.
Or, Kant (1724-1804), qui ne pouvait concevoir l’intuition intellectuelle, a carrément inversé ce que toute la tradition philosophique avait établi avant lui. Chez lui, Verstand, c’est-à-dire l’intelligence, l’intellect est devenu l’activité cognitive inférieure, opératoire. Par elle, on procède à des abstractions, on revêt les connaissances sensibles d’une forme conceptuelle, et on les relie en vue d’établir un discours cohérent ; c’est la connaissance discursive. Par contre, Vernunft, la raison, est devenu la faculté supérieure de connaissance, celle des idées et des principes, mais elle semble n’avoir que « le sens de bon sens pratique »52. L’intelligence y a perdu son sens de l’être.
Les conséquences sont majeures : la métaphysique est, pour Kant, devenue impossible et l’intelligence n’est plus qu’un objet d’étude de la psychologie. Aujourd’hui, on parle donc d’intelligence artificielle, alors qu’il ne s’agit que de raison artificielle, de puissance mentale, de calculs et de combinaisons53. Depuis lors, le rationalisme, la réduction rationaliste, qui enferme la pensée humaine, aussi bien en science qu’en philosophie, est l’idéologie encore la plus répandue en Occident et contribue largement au scientisme.
Le biologiste Richard Dawkins (1941) est un bon représentant de ce scientisme par réduction de toute connaissance au seul rationnel. Il faut dire que son anticléricalisme forcené54 et militant, constitue une idéologie à même d’altérer ses jugements.
Ce scientisme par réduction rationnelle exclusiviste est rare chez les scientifiques. Toute science étant certes rationnelle, mais ayant le plus souvent conscience de l’étroitesse (par constitution) du champ conceptuel dans lequel elle s’ébat. Ainsi de Max Planck (1858-1947), conscient de la fermeture épistémique de la science55, et de l’ouverture (par constitution) de la philosophie :
Dans cette visée d’un réel absolu, et son incapacité à l’atteindre, réside l’élément irrationnel inhérent à l’activité scientifique… Le monde réel métaphysique n’est donc pas le point de départ de la recherche scientifique, mais son but inaccessible.56
Ainsi va le physicien, qui s’est occupé de la matière, de l’empire de la substance à celui de l’esprit. Et ainsi s’achève notre travail, et nous devons remettre dans les mains de la philosophie la suite de nos recherches.57
Science et scientisme, une conclusion
Plutôt rare parmi les scientifiques, qui ne s’estiment généralement pas en charge d’interpréter le monde, mais malheureusement prégnant chez quelques noms connus de la science (Darwin, Teilhard de Chardin, Hawking, Dawkins…), le scientisme est le plus souvent et tacitement dans les esprits des temps (l’épistémè des époques) et formalisé par des philosophes, directement (Renan, Saint-Simon, Fourier, Comte…) ou indirectement (Kant…), alors qu’il est dénoncé aussi bien par des philosophes (Bernanos, Ellul, Arendt, Jonas, Illich, Joy, Valenta, Laforgue, Salomon-Bayet, Hoffmann, Sorell, Peterson, Brenner,) que par des scientifiques eux-mêmes (Eddington, Wittgenstein, Hayek, Fiolle, Fourastié, Russell, Smith…).
En ce début du XXIe s., bien que toujours et encore dénoncé, le scientisme ambiant semble s’être estompé, sauf bien sûr quant au climat kantiste d’une rationalité toute puissante – en dépit des vains efforts d’un Derrida (1930-2004) pour affirmer que la raison n’existe pas (son décentrement) ou des métaphysiciens rappelant la distinction entre la raison et l’intelligence, entre raisonnement et intuition (par exemple Jean Borella, 1930).
Si les scientifiques ne sont pratiquement jamais scientistes, il resterait à répondre à cette question : la science serait-elle intrinsèquement scientiste ? Elle tend à l’être de l’Antiquité au Moyen Âge en se détournant du réel et en se cantonnant au théorétique. Lorsqu’elle se complait actuellement dans l’abstraction mathématique, construisant par son modus operandi le monde qu’elle était supposée découvrir, elle l’est encore. Lorsque, a contrario, elle se focalise sur un monde à transformer de force et inconséquemment – ladite technoscience –, elle, l’est toujours.
La voie scientifique paraît une voie bien étroite. D’un côté, il faut bien étudier le monde et commencer par le mesurer58, puis le modéliser, mais lorsque toute qualité en a été exclue, est-ce encore le même monde ?
D’un autre côté, comme l’indiquait déjà Platon : « C’est ‘‘dans sa substance même’’ que le monde « est doté d’une fonction ‘‘iconique’’ »59 ; il est, dit Platon, « de toute nécessité l’image de quelque chose »60, si bien que toute cosmologie ne saurait être qu’« un mythe vraisemblable (ton eïkota muthon) »61. Si, pour Platon, « notre science de la nature demeure hypothétique, ce n’est pas à cause de la faiblesse de notre intelligence ; c’est à cause du manque de réalité de l’objet à connaître »62. C’est que la réalité dépasse la physique, elle est par définition métaphysique.
Ainsi, ne pas se poser cette question d’une science intrinsèquement scientiste – et quelle que soit la réponse -, c’est être tout simplement voué au scientisme.
Notes
- « Hayek (Frederic von) – Scientisme et sciences sociales. Essai sur le mauvais usage de la raison. Trad. Raymond Barre », Revue française de science politique, vol. 5, n° 1, 1955 (pp. 162–163).[↩]
- Thomas (Tom) Sorell, Scientism: Philosophy and the Infatuation with Science, Routledge, 1994.[↩]
- Gregory R. Peterson, « Demarcation and the Scientistic Fallacy », Zygon, vol. 38, n° 4, 2003 (pp. 751–761).[↩]
- « Science et scientisme », Raison présente, vol. 171, n° 1, 2009 (pp. 15–27).[↩]
- Scientisme et sciences sociales. Essai sur le mauvais usage de la raison, Pocket Agora, 1953.[↩]
- L’Avenir de la science : pensées de 1848, Calmann-Lévy, 1890, p. 37.[↩]
- Lalande, ibid.[↩]
- Le Dantec, Contre la métaphysique, questions de méthode, Félix Alcan, 1912 ; cité par Lalande, Voc. tech. et crit. de la phi., PUF, 1951, p. 960. Nous soulignons.[↩]
- Cf. Allan Bullock & Stephen Trombley (Dir.), The New Fontana Dictionary of Modern Thought, London: Harper Collins, 1999, p. 775.[↩]
- Cf. John Allan Lee (1933-2013), Robert Sternberg (1949-), Zick Rubin (1944-) et aussi Elaine Hatfield, Susan Sprecher, W.H. Jones, D. Perlman, etc.[↩]
- Revue de synthèse, t. 134, 6e série, no 1, 2013, pp. 89-113.[↩]
- « Sagesse ancienne et idées fausses modernes – Une critique du scientisme contemporain »[↩]
- Sa récente réédition chez Payot (2023) témoigne de l’actualité de cette réflexion.[↩]
- Sceptical Essays (George Allen & Unwin, 1928), en français, récent, Les Belles Lettre, 2011 (retirage 2022).[↩]
- « Why The Future Doesn’t Need Us. Our most powerful 21st-century technologies—robotics, genetic engineering, and nanotech—are threatening to make humans an endangered species. » (« Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous. Les technologies les plus puissantes du XXIe siècle : le génie génétique, la robotique et les nanotechnologies menacent d’extinction l’espèce humaine »), Wired, April 2000. Mais ne faudrait-il pas citer également : Jacques Ellul (La technique, ou L’enjeu du siècle), Hannah Arendt (Les Origines du totalitarisme), Hans Jonas (Le Principe responsabilité), Ivan Illich (Origine du monde moderne)… ?[↩]
- On trouve le mot « scientiste » comme « partisan de l’exclusivisme des sciences » dans Les Loups de Romain Rolland (acte III, sc. 2 ds Quem. DDL t. 12, cf. CNRTL s.v.) où il transpose en français le substantif anglais « scientist ».[↩]
- Contre la métaphysique (Alcan, 1912), p. 51 ; Lalande, s.v.[↩]
- La philosophie moderne (Flammarion, 1919), p. 80 ; Lalande, s.v.[↩]
- Le modernisme, initialement appliqué au renouveau des arts dans la première moitié du XXe siècle, est toutefois utilisé en physique où l’adjectif « moderniste », en substitution de « moderne », qualifie les nouvelles mathématiques, logiques et physiques du début du XXe siècle. Nous l’employons ici, péjorativement, au sens d’un engouement excessif pour le « progrès » et la modernité, liée aux concepts d’évolution, de croissance, d’émancipation, d’innovation, de progrès…[↩]
- Suivant Auguste Comte, Sommaire appréciation de l’ensemble du passé moderne (1830, L’Harmattan, 2006).[↩]
- Cf. le De Motu (1590) de Galilée, à la suite du Banquet des cendres (1584) de Giordano Bruno (1548-1600).[↩]
- Rappelons que, pour ce faire, Kant tronquera l’homme de l’intellect pour le réduire à un animal exclusivement rationnel ; Voir « Raison et intelligence, les deux faces de l’esprit », https://metafysikos.com.[↩]
- Cf. Exercitationes paradoxicæ versus Aristoteleos (1624), Dissertations en forme de paradoxes contre les aristotéliciens (Vrin, 1959).[↩]
- Cf. Comte, Discours sur l’esprit positif (1844, Librairie Schleicher, 1909, pp. 5-125).[↩]
- Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae (« Lettre sur les prodiges de la nature et sur la nullité de la magie »), v. 1260. Par ex. Paris : Chamuel éd., 1893 (archive.org).[↩]
- « Omnis scientia requirit mathematicam », Opus Majus, t. III, p. 98.[↩]
- De ce point de vue, la science de la mesure (scientia ponderum) n’est que l’une des nombreuses sciences ratachées à la science naturelle (scientia naturalis), de même la science expérimentale (scientia experimentalis) ; cf. son Communia naturalium (v. 1260).[↩]
- Opus majus, t. II, p. 169.[↩]
- Bacon distingue même les « illuminations générales » (ou Principes) par l’intellect agent et les « illuminations spéciales » (intuitions particulières et personnelles d’intelligibles particuliers).[↩]
- Pierre-Maxime Schuhl, Machinisme et philosophie, Paris : PUF, 1969, pp. 33-34. Nous soulignons.[↩]
- Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque, Paris : PUF, 1969, p. 133.[↩]
- Ibidem.[↩]
- Voir l’article « Métaphysique de l’écologie ».[↩]
- Die Religion innerhalb der Grenzen der bloßen Vernunft (1793).[↩]
- De v. 400 à la fin de l’empire carolingien (924), succédé par le Saint-Empire romain germanique (962).[↩]
- « Les limites de la connaissance scientifique », M. Cazenave (dir.), De la science à la philosophie : Y a-t-il une unité de la connaissance ? (Colloque de Bruxelles), Paris : Albin Michel, 2005, p. 139.[↩]
- in « discussion », De la science à la philosophie, pp. 60-61.[↩]
- « Après la matière et l’énergie, l’information comme concept unificateur de la physique ? », De la science à la philosophie, Paris : Albin Michel, 2005, pp. 92, 96.[↩]
- The Philosophy of Physical Science, Cambridge University Press, 1949, p. 110, cité in Physique et métaphysique, Jean Borella et Wolfgang Smith, L’Harmattan, 2018, p. 45.[↩]
- voir l’article « Philosophie et science, ouverture et fermeture épistémique du concept ».[↩]
- Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie : Nouvelles études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris : Vrin, 1977.[↩]
- Stephen Hawking et Leonard Mlodinow, Y a-t-il un grand architecte de l’Univers ? traduit de l’anglais par Marcel Filoche (titre anglais : The Great Design, 2010), Odile Jacob, 2011.[↩]
- Réponse à Stephen Hawking, De la physique à la science-fiction, L’Harmattan, 2013 (Science and Myth: With a Response to Stephen Hawking’s The Grand Design, Philos-Sophia Initiative Foundation; 3rd édition, 2023) ; L’évolutionnisme théiste de Teilhard de Chardin. Une analyse exhaustive de ses enseignements et de leurs conséquences, L’Harmattan, 2023 (Teilhardism and the New Religion: A Thorough Analysis of the Teachings of Pierre Teilhard De Chardin, Tan Book & Pubs, 1988 ; réed. Theistic Evolution: The Teilhardian Heresy, Philos-Sophia Initiative Foundation, 2023).[↩]
- Frédéric Rouvillois, L’invention du progrès, 1680-1730 (1996), CNRS, 2011.[↩]
- « Der Fortschritt » (Le progrès), Simplicissimus, puis le numéro 275-276 de la Fackel (« Le Flambeau »).[↩]
- Jacques Bouveresse, « Le mythe du progrès selon Wittgenstein et von Wright », Mouvements 2002/1 (no19), pp. 126 -141, §2.[↩]
- Résumé de Jacques Bouveresse, op. cit., § 3.[↩]
- Le Gai Savoir (1882), L. III, 125.[↩]
- Conférence de 2001, éd. Agone, 2023. Également Georg Henrik von Wright, Le Mythe du progrès, Evergreen, 2000.[↩]
- Cité par Jean Borella, La crise du symbolisme religieux, p. 291.[↩]
- “we absolutely cannot think what we can’t think”, cf. The Evolution of Modern Metaphysics: Making Sense of Things, Cambridge University Press, 2012.[↩]
- C. Webb in Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 1951, p. 287.[↩]
- Bérard, « Unmasking ‘‘AI’’ », https://philos-sophia.org/unmasking-ai/.[↩]
- Dawkins va jusqu’à juger la pédophilie préférable à l’éducation religieuse (« dans l’une des lettres régulièrement adressées aux journaux, il suggéra que l’abus sexuel sur un enfant dans l’Église, ‘‘aussi déplaisant que cela soit, peut causer moins de dommages permanents que de les élever dans le catholicisme’’ » ; Simon Hattenstone, « Darwin’s child », The Guardian (en ligne), 10 févr. 2003).[↩]
- Voir l’article « Philosophie et science, ouverture et fermeture épistémique du concept ».[↩]
- Max Planck, L’image du monde dans la physique contemporaine, Gonthier, Paris, 1963 (Das Weltbild der neuen Physik, 1929).[↩]
- « Damit kommt der Physiker, der sich mit der Materie zu befassen hat, vom Reiche des Stoffes in das Reich des Geistes. Und damit ist unsere Aufgabe zu Ende, und wir müssen unser Forschen weitergeben in die Hände der Philosophie » ; ibid.[↩]
- Si Maxwell (1831-1879) n’a pas dit précisément « la physique est la science de la mesure », il a au moins largement contribué à en établir l’importance, un principe fondamental désormais proprement intégré en physique et qui en a largement débordé pour s’établir dans toutes les sciences et jusqu’à mesurer l’amour humain, on l’a vu.[↩]
- Jean Borella, La crise du symbolisme religieux, p. 40 ; cf. Platon, Timée.[↩]
- Timée, 29b ; Borella, ibidem.[↩]
- Timée, 29d ; Borella, ibid., p. 41.[↩]
- Dès lors, la seule connaissance adéquate à un être déficient est la connaissance symbolique, parce qu’elle pose d’abord son objet pour ce qu’il est, un symbole, mais un symbole réel, c’est-à-dire une image qui participe ontologiquement de son modèle. C’est ce « réalisme symbolique » (savoir « c’est l’idée de symbole qui nous permet de penser l’idée de réalité », Jean Borella, Symbolisme et Réalité, éd. 2012, p. 248), qui fait que « le platonisme n’est pas un idéalisme » ; La crise du symbolisme religieux, p. 31, n. 47.[↩]