L’égalité est une chimère.

Si l’égalité est une « chimère impossible et inutile »1, c’est d’abord qu’elle est impossible à tout point de vue : métaphysiquement2, mais aussi physiquement, psychologiquement, intellectuellement et socialement3, bref : tout être humain est condamné à être différent de tous les autres. L’égalitarisme, typiquement français semble-t-il, s’illustre dans le stationnement alterné : deux fois par mois (le 15 et le dernier jour du mois), à minuit, les français descendent en pyjama pour garer leur voiture le long du trottoir d’en-face !4 D’ailleurs, la conviction de l’historien de l’économie Carlo Cipolla (1922-2000) est que l’inégalité fondamentale n’est pas essentiellement culturelle, mais qu’elle est d’abord de l’ordre de la nature :

Généticiens et sociologues se donnent beaucoup de mal pour prouver que tous les hommes sont naturellement égaux et que si certains sont plus égaux que d’autres, c’est le fait de la culture et non de la nature. Je m’oppose à cette idée reçue. Après des années d’observation et d’expérimentation, j’ai la ferme conviction que les hommes ne sont pas égaux, que les uns sont stupides et les autres non, et que la différence dépend de la nature et non de facteurs culturels.

Carlo M. Cipolla5

Cela n’avait pas échappé à Rousseau :

Je terminerai ce chapitre et ce livre par une remarque qui doit servir de base à tout le système social ; c’est qu’au lieu de détruire l’égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit (a).

(a) Sous les mauvais gouvernements, cette égalité n’est qu’apparente – et illusoire ; elle ne sert qu’à maintenir le pauvre dans sa misère, et le riche dans son usurpation. Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien : d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose, et qu’aucun d’eux n’a rien de trop.6

En politique, cette impossibilité égalitariste s’illustre par la bien relative isonomie (les jugements dits « pour l’exemple » suivant une « opinion publique » ou une autre) ou la pseudo iségorie (égalité de parole), qui ne concerne que les candidats avant une élection, alors que pour les autres n’existent que les grèves ou les manifestations, voire les réseaux sociaux, face à une oligarchie indétrônable7. Cette impossibilité est explicitement reconnue par le transfert de la question en termes d’inégalités – sans sous-estimer l’enseignement du paradoxe de Tocqueville8 – ou du mythe d’une égalité finale désormais réduite à une égalité des chances idéologique (Rawls), idéal utopique contredit par les faits : « l’école sert à habiller les inégalités de naissance, en inégalité de mérite » (Ivan Illich). D’ailleurs, l’égalitarisme de façade postrévolutionnaire n’a pas modifié la vocation élitiste des collèges de Jésuites ou des lycées napoléoniens, à l’instar des public school britanniques ou des Gymnasium allemands. Mais n’est-il pas juste que chacun développe les dons qu’il a reçu ? Faudrait-il empêcher les Rembrandt, Bach, Newton, Leibniz et autres d’exercer leur art et d’exprimer leur génie ? Davantage qu’inutile, l’égalité serait ici néfaste. C’est peut-être pourquoi certains sont amenés à associer une égalité économique à l’égalité politique (Castoriadis)9, laissant le primat de la liberté au domaine culturel.

En politique, au sens strict, la seule égalité qui soit, c’est la possibilité pour tous de participer à l’exercice du pouvoir, tel qu’un tirage au sort (à bon escient) permet de le faire. En rien les sondages, jurys d’assises, jurys citoyens ou budgets participatifs, bien qu’établis par tirage au sort, ne ressortissent à une panarchie ; ils participent surtout d’une récupération d’image démocratique, d’une manipulation démagogique et, jamais, ne donnent la décision politique10 ; c’est le simple palliatif au manque de légitimité des autorités politiques en crise de représentativité11.  S’il est subversif en soi, et cela n’a échappé ni à Aristote ni à Montesquieu, c’est que le tirage au sort des responsabilités politiques rompt la séparation étanche entre gouvernés et gouvernants, ainsi que le postulat d’une supériorité de compétence. Ce n’est pas pour autant, au pied de la lettre, le « règne du n’importe qui »12, car le principe de l’égale compétence politique des êtres humains (ou l’égale « compétence sociétale » des homines societatis pour le dire à partir du latin) relève plutôt de l’évidence, depuis toujours. On le lit dans le Protagoras de Platon : contrairement aux questions techniques (architecture, médecine), « toutes les fois qu’on délibère sur ce qui regarde le gouvernement de la république, alors on écoute tout le monde indistinctement »13, c’est que

Jupiter, craignant donc que notre espèce ne pérît entièrement, envoya Mercure pour faire présent aux hommes de la pudeur et de la justice, afin qu’elles missent l’ordre dans les villes, et resserrassent les liens de l’union sociale. [322c]

Et elles furent distribuées également entre tous, par Mercure, sur l’ordre de Jupiter. Dès lors, « bien que peu de gens puissent esquisser un programme politique, nous sommes en revanche tous capables de porter un jugement sur lui. Ce qui signifie : nous ne pouvons pas tous gouverner et diriger, en revanche nous pouvons tous juger le gouvernement, nous pouvons fonctionner comme jurés », disait, il y a bien longtemps, Périclès14. De même, « quand leurs délibérations roulent sur la vertu politique, qui comprend nécessairement la justice et la tempérance, ils écoutent tout le monde, et ils font bien ; car il faut que tous participent à la vertu politique, ou il n’y a point de cités », écrivait Platon15. Et chez Aristote : « les individus isolés jugeront moins bien que les savants, mais tous réunis, ou ils vaudront mieux, ou ils ne vaudront pas moins16. Machiavel, sur ce point, sera de l’avis d’Aristote (Discours sur Tite-Live, liv. III, ch. XXXIV), ainsi que Montesquieu (Esprit des Lois, L. II, ch. II). Ce ne sera plus le cas, avec les trois révolutions anglaise, américaine et française, mais il s’agit alors, on l’a vu, de ploutocraties explicitement annoncées et justifiées par l’« ineptie des masses » (sic). Castoriadis prendra un chemin de traverse pour refuser aux prétendues élites le monopole d’une expertise politique et de la connaissance du juste, en affirmant que personne ne peut prétendre détenir la véritable notion de justice, qui serait une pure « création humaine », toujours en progrès et fruit de raisonnements et délibérations pour être provisoirement établie.

Être libre, c’est obéir !

Le raccourci surprendra, mais il faudra bien l’admettre.

La liberté renvoie directement à l’essence de l’homme, selon son fondement ontologique comme « animal raisonnable »17 et comme animal libre18. Toutefois, il convient déjà de se demander si, derrière les déterminismes inconscients (psychanalyse), culturels (sociologie) et neurologiques (neurosciences, psychobiologie), le libre arbitre reste tout simplement concevable : peut-on être conditionnés et libres ? La liberté ici en question qualifie l’exercice de la volonté, si tant est qu’il n’est pas induit par une passion déterminante – auquel cas le libre arbitre serait une illusion due à l’ignorance des causes qui nous font agir (Spinoza) –, mais qu’il est le fruit d’un choix réfléchi (Aristote) en vue d’un bien (Platon), éclairé par la raison (Descartes, Leibniz), faisant sortir l’homme de l’état de nature (Rousseau), suivant une loi morale dont il se dote (Kant). Dès lors nous sommes « condamnés à être libres »19 et responsables de nos actes20 (Sartre). Philosophiquement, cette liberté peut être définie négativement, comme absence de contrainte ou de détermination, voire comme liberté d’indifférence, ou bien, positivement, comme autonomie ou spontanéité de la volonté21.

Si la liberté consistait, pour l’homme, à être libre de toute détermination, le plus libre serait le plus indéterminé, et totalement libre signifierait alors complètement indéterminé, ce qui est absurde22. Si l’on s’arrêtait là, Dieu seul serait libre et l’homme, nécessairement déterminé, ne saurait l’être en rien. En effet, un homme entièrement soumis, et ainsi réduit, à ses déterminations serait un pur automate23. C’est ce qu’illustre le paradoxe de Buridan : Ne pouvant choisir par quoi commencer, un âne mourra de faim et de soif entre son picotin d’avoine et son seau d’eau24. Dénoncé par l’absurde dans l’expérience de pensée de « l’âne de Buridan », cela signifie que les déterminations, inévitables, ne s’opposent pas à la liberté, elles forment le fond nécessaire sur lequel la liberté pourra – ou non – s’exercer. Et si maintenant la liberté caractérise le pouvoir ou la volonté de faire quelque chose, c’est également par des actions déterminées, selon des buts et des moyens déterminés, qu’elle sera exercée. Tout est donc déterminé : l’homme et son environnement, le but et le moyen de son action. Cela signifie que la liberté ne peut être, en aucun cas, le fait d’échapper en quoi que ce soit aux déterminations internes ou externes ; tout au contraire, elle réside dans l’acceptation, d’une part, des déterminations intrinsèques à l’ordre des choses et, d’autre part, à celles qui correspondent aux fins et aux moyens de l’action choisie. Ce n’est donc ni une soumission ni une démission, mais bien l’acceptation volontaire, libre donc, quand bien même obéissante, d’une mission.

Cette capacité en nous de faire librement ce que l’on doit, Descartes, admirablement, l’appelle la « générosité », Corneille le « cœur » et Platon le « courage » qui en grec se nomme andréia, qualité propre de l’andros (l’homme).

Jean Borella25

Plus précisément, la volonté ne se donne comme fin que ce dont l’intelligence peut lui donner connaissance et si tant est qu’elle voudra le considérer comme bien. Si, par définition, est bien ce que la volonté élit, ce n’est pas d’un bien en soi qu’il s’agit, quand bien même un bien absolu y est référé, mais ce n’est qu’un bien pour soi. Cette relativité est celle de la connaissance imparfaite dont la liberté dispose. Si la liberté bénéficiait d’une connaissance parfaite des biens et du Bien, la volonté étant désir du bien, l’homme, entièrement déterminé par cette connaissance parfaite, ne serait plus libre. « Cela signifie que cette ignorance qui se manifeste par notre liberté est ontologique, plus encore elle s’identifie à notre être même ».

La conviction de cette liberté fondamentale qui s’attache à notre personne, c’est « la conscience que notre existence est une existence personnelle et responsable et non le simple développement de causalités mécaniques ». Métaphysiquement, cette conviction renvoie à la transcendance du Bien suprême qu’implique l’acte même du vouloir, c’est le seul « moyen de rendre compte de la liberté humaine »26. Cela constitue le paradoxe (métaphysique) de la liberté : la volonté n’est libre que parce qu’elle ignore le bien qu’elle vise, mais obéit à cette visée qui pourtant la dépasse27.

Appliquée au politique, rien de bien différent. Il n’y a pas de liberté qui ne soit elle-même une autorité face à d’autres : « La totale liberté et l’indépendance à l’égard de toute autorité sont inférieures, et non de peu, à une autorité que d’autres autorités limitent et mesurent » (Platon, Lois, III, 698a). Chez Aristote, « la cité n’est qu’une association d’hommes libres » (L. III, ch. 4, § 7 [1279a]), mais « vivre comme on l’entend » n’est pas être libre, c’est au contraire une aliénation. La véritable liberté se réalise dans l’obéissance aux lois de la constitution : « Il ne faut pas croire que ce soit un esclavage de vivre selon la constitution, c’est au contraire le salut » (Politique, V, 9 [1310a])28. C’est que la cité est une communauté naturelle dans une nature réglée par des lois ; dès lors, obéir aux lois, qui reflètent l’ordre de l’univers, c’est être un animal politique libre, un maître libre, car ce n’est pas à un autre homme qu’il obéit. Il restera, faute de ne pouvoir la reconnaître comme telle, à avoir participé, entre hommes libres, à la constitution des lois, ce qu’une panarchie permettra.

Liberté, égalité, Fraternité, une solution.

On aura reconnu la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité »29, mais elle n’a pas immédiatement pris cette forme synthétique. On peut lui faire précéder le ternaire de la démocratie chez Rousseau : liberté, sécurité, égalité. Alors qu’il fut le grand banni du XVIIIème siècle, si la Déclaration des droits de l’homme de 1789 (Art. 6) reprendra néanmoins sa formule : « la loi est l’expression de la volonté générale »30, c’est que « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », pouvait-il écrire pour combiner les deux impératifs de liberté et de sécurité (au sens d’« ordre social » ou de « bonheur public »), associés à celui d’égalité.

Droits. Après la révolution, ces notions sont d’abord des droits, formulés ainsi : « Ces droits [de l’homme et du citoyen] sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété »31. C’est qu’il fallait en effet nier la Terreur en vigueur (« sûreté ») et tous les pillages et vols de propriétés effectués (« propriété »). Ainsi, dès 1791, « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés »32 ou « les propriétés sont sous la sauvegarde de la Nation »33, mais sans rétroactivité !

Principe. Un demi-siècle plus tard, c’est un principe de la République qui est posé : « Elle a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre public »34. On repère l’inversion : l’« égalité », impossible, vient désormais après la « liberté », cependant que « propriété » et « Ordre public » rappellent encore que le pillage des biens des nouveaux propriétaires est désormais proscrit.

Devise. Enfin, le ternaire n’est plus qu’une simple devise à compter de la Constitution de 1946 (titre 1, article 2), alors qu’il recèle, on va le voir, une vérité philosophique des plus pertinentes.

Associer l’égalité et la liberté est une gageure : elles s’excluent réciproquement. En effet, l’égalité empêche la libre expression d’une différence, de situation comme d’aspiration ; et, réciproquement, la liberté détruit toute égalité culturelle ou sociétale possible. Cela n’est que trop évident, économiquement, socialement et même juridiquement. La guerre froide a stigmatisé leur incompatibilité en opposant la liberté de tuer ou de ségrégation raciale (États-Unis) et l’égalité d’indigence (URSS), mais ce couple pervers liberté-égalité, fut bien sûr de tout temps aperçu, et nombreux sont ceux qui ont recherché une combinaison les rendant compatibles.

Chez Aristote, par exemple, la meilleure démocratie est celle qui cherche l’égalité politique entre les pauvres et les riches, une démocratie où « rien ne mette les gens modestes ou les gens aisés les uns au-dessus des autres […], mais que les deux soient égaux » (Les politiques, IV, 4, 1291-b). Toutefois, la démocratie étant un régime qui vise aussi bien l’égalité que la liberté, il ajoute la seconde norme de la démocratie : la liberté, « d’où est venue la prétention de n’être gouverné par personne, ou, si ce n’est pas possible, de gouverner et d’être gouverné chacun son tour ; et ainsi ce second facteur apporte son appui à la liberté fondée sur l’égalité » (La Politique, L. VI, ch. 2)35. La dimension économique est prise en compte : les plus nombreux ne doivent pas être trop pauvres et les richesses en partie réparties par le biais de l’impôt (La Politique V, 5, 1320-a 7).

Tocqueville, également, a bien vu les tensions entre les deux principes antagoniques. Il considère la démocratie comme porteuse de l’idée d’égalité, ce qui serait banal s’il ne précisait qu’il s’agit d’une tendance à l’égalisation des conditions : diminution des écarts de fortune, hiérarchie sociale mobile, possibilité pour tous les citoyens de participer au pouvoir politique, et un accès à tous à la culture par l’éducation. Toutefois, il ne faudrait pas que l’aspiration à l’égalité conduise à accepter une restriction de la liberté, ce qui est le risque d’une tyrannie de la majorité36. La solution qu’il voit à une bonne combinaison entre l’égalité et la liberté réside dans la décentralisation du pouvoir et dans une liberté de la presse, qui « seule guérit la plupart des maux que l’égalité peut produire (L. II, Partie 4, chap. VII).

Cornelius Castoriadis, dans la démocratie qu’il ne voit que comme nécessairement directe, le régime est celui et de la liberté et de l’égalité (politique et économique). L’expérience ayant montré que l’inégalité économique se transforme aisément en inégalité politique, il voit comme nécessaire une égalité économique concrète (revenus identiques pour tous), en phase avec son modèle d’autogestion. Ne reconnaissant ni la métaphysique des notions d’égalité et de liberté, ni l’anthropologie d’un homo societatis comme Aristote, ni, comme Popper, l’historicisme et ses déterminismes économiques, il est condamné à imaginer un « imaginaire social », nécessaire à une autocréation des sociétés humaines37. En revanche, il voit bien, comme Socrate, l’indispensable éducation (paedeia) civique à même de former des citoyens autonomes : réflexion et décision libre.

Rawls, dans sa recherche de règles de justice à la fondation de sa théorie politique, s’affronte aussi au « couple pervers » liberté-égalité. Toutefois, au plus haut niveau de liberté recherché, il ne peut rendre compatible qu’une simple égalité des chances initiale (Fair Equality of Opportunity dite FEO ou The Equal Opportunity Principle). Or, l’égalité des chances est soit une démagogie, soit une illusion. En contexte nord-américain, cette égalité des chances, fût-elle dûment établie, n’est rien d’autre que le mythe américain de la « réussite » matérielle individuelle. Ce mythe, encore largement répandu, fut popularisé au XIXe siècle par le pasteur unitarien, Horatio Alger Jr. (1832-1899). Son modèle était Abraham Lincoln, qui devint le seizième président des États-Unis après une enfance difficile et des études autodidactes. Ainsi, cet auteur proclama la réussite vertueuse à travers quelque cent-dix-neuf ouvrages pour jeunes gens ambitieux, dont le plus célèbre, Ragged Dick (Dick la Guenille) en 1867, raconte l’enrichissement d’un jeune par les seules vertus de sa volonté et de son travail. Selon ce mythe, qui a tant contaminé la population américaine, tout enrichissement est d’une part « mérité » et, d’autre part, ne prive personne, puisque le monde est illimité ! Ce sont là deux illusions de la notion d’égalité des chances. Il en est une troisième ; dans la pseudo méritocratie de Rawls, il faut bien ajouter à son principe d’égale opportunité, l’aléas de la fortune : l’égale opportunité, en effet, ne multiplie pas le nombre des opportunités. Ainsi, si trente millions de candidats ont les mêmes chances d’accéder aux trois-cent mille postes proposés, il n’y aura jamais qu’un pourcent d’entre eux qui pourra y accéder. C’est la troisième illusion associée au FEO. Il faut, selon nous, imaginer un matraquage culturel colossal du mythe de la réussite vertueuse (ou une idiosyncrasie sociétale), pour qu’un penseur de l’acabit de Rawls puisse en faire un principe de sa Theory of Justice (1971)38.

On ne peut manquer non plus de critiquer sa définition de la liberté en tant que « la liberté s’arrête là où commence celle des autres » (the liberty of any one member shall not infringe upon that of any other member), formule discutable, issue des Lumières et dont on trouve une variante proche dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen39. Déjà, sa relative tautologie ne définit pas grand-chose. Ensuite, elle est ingérable au quotidien (comment simplement se croiser dans la rue ?). Surtout, en créant une frontière souhaitée fixe et figée entre les êtres, elle supprime justement l’espace de chevauchement flexible et variable, libre en un mot ; lieu où s’expriment et se confrontent les volontés individuelles et qui constitue justement le seul espace de véritable liberté possible, qui englobe les excès d’envahissement ou de débordement des uns et les capacités d’encaissement ou d’acceptation des autres, le plus souvent à tour de rôle. La variété des situations possibles, hors pathologie, fait que ce sont en effet rarement les mêmes qui envahissent ou qui acceptent de l’être selon le mode d’expression des « libertés » respectives et le domaine dans lequel elles s’expriment. Dès lors, on lui préférera la formule de Bakounine : « ma liberté, confortée par celle de tous, s’étend à l’infini » (« My personal freedom, confirmed by the liberty of all, extends to infinity »)40, c’est au sein de l’humanité, en effet, que la liberté prend effectivement tout son sens.

Or il y a une bonne façon de combiner égalité et liberté. Celle-ci, justement, se trouve dans la devise de la République française : « Liberté, Égalité, Fraternité », dans laquelle aucun des termes n’est réductible à aucun autre et dont la Fraternité est une pièce maîtresse, d’une nature ou d’un statut bien particulier. En effet, si liberté et égalité apparaissent historiquement comme des droits, la fraternité est un devoir :

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Déclaration universelle des droits de l’homme de 1848, article premier.

Certes, le texte n’ose le mot « fraternité » directement, mais son « esprit » est bien là !

Les deux premiers termes ressortissent aux ordres individuels : singulier (liberté) et collectif (égalité), mais c’est à l’ordre plus fondamental de l’humain que ressortit le troisième (fraternité) et, disons-le, de l’ordre de l’universel. D’ailleurs l’ordonnance de cette devise reflète bien leur hiérarchie, présentée en ordre inverse, du plus individuel au plus universel : la Fraternité – troisième dans l’ordre des formulations culturelles ou anthropologiques – est première dans l’ordre métaphysique, où elle définit toute relation, et, davantage encore, où l’être humain se définit comme relation. Il est en effet relation à Ce qui lui donne l’être (ou d’être), relation à ceux qui lui donnent la vie et l’y guident (ses parents, faute d’être un enfant-loup) et relations à tous les autres, lui permettant d’exister.

Ainsi, la présence de ce troisième terme, réplique laïque de la charité que même un Voltaire ne saurait renier41, signe un contre-pied majeur à une doctrine économiste qui ferait reposer le « bonheur social » sur l’égoïsme de chacun42. S’il s’agit d’un « noble mensonge » (trad. R. Baccou), comme le dit Platon dans sa Kallipolis (belle cité), c’est que, d’une part, son « mythe des races » fait de tous les citoyens des frères parce qu’issus de la même mère la terre (République, 414e), mais que, d’autre part, les inégalités existent parmi les citoyens, ce que cette fraternité permet de dépasser. Il est « noble mensonge » car c’est un « mensonge juste »43 ; il permet d’organiser un monde humain du droit, en référence à un monde suprahumain de la Justice44. S’il n’y a « pour les Anciens, de communauté ordonnée et juste que si les membres qui la composent se rapportent à un au-dehors, à des valeurs suprahumaines, que les mythes projettent dans le temps des origines »45, il en va de même dans nos sociétés modernes. La Fraternité leur tient lieu de « mythe » ; elle renvoie surtout à une métaphysique de la relation, sous-jacente à toute métaphysique de l’être46.

Plus prosaïquement, si l’illusion égalitariste devient « partage volontaire » et l’illusion libertaire « autonomie solidaire », la fraternité, mâtinant l’un comme l’autre, devient la solution naturelle à l’apparente opposition irréductible et stérile entre égalité et liberté. « Naturelle », puisque l’homo societatis qu’est l’homme ne saurait jamais avoir été l’homme sauvage « seul et oisif » décrit par Rousseau47 ; ce que les « enfants-loup » ont confirmé.

Chez Pierre Leroux (1797-1871), le mot « socialisme »48 lui-même désignera une société idéale ne sacrifiant aucun des termes de la devise. Mais il n’aura pas réussi à convaincre que « Fraternité » devrait être positionnée entre « Liberté » et « Égalité », alors que c’est son rôle de les rendre compatible49. Et il aura bien vu que la « fraternité » n’est pas tant un « noble mensonge » que l’une des appellations de l’« attraction » propre aux êtres humains, fondamentalement relationnels et qui les conduit à l’Association, « impulsion foncièrement démocratique »50. Cette « attraction », qu’il trouve chez les saint-simoniens et les fouriéristes, « tend à abolir la relation commandement/obéissance et du même coup les phénomènes de domination »51. Il en fait « un principe fondamentalement politique, à savoir l’amitié.

Une politique de la philia contre les politiques d’éros prônées aussi bien par Fourier que par les saint-simoniens et qui sont également destructrices du lien politique. Au contraire, l’amitié représente, parmi les passions, une des plus sublimées, qui comprend le moment du jugement et qui conjure à la fois l’égoïsme et la tentation de la communauté fusionnelle. L’amitié a pour particularité d’instaurer un lien dans la séparation, c’est-à-dire un lien qui se noue tout en préservant une séparation entre les membres de la communauté.52

En tout état de cause, la façon dont les trois termes de la devise républicaine s’appliquent à nos sociétés, ou doivent s’y appliquer, devient claire. Selon la tripartition sociétale des domaines juridico-administratif, culturel et économique, le ternaire de la devise de la République pourrait être le pense-bête, ou l’idéal, ou la règle, selon une correspondance terme à terme :

  • l’égalité pourra présider le domaine juridico-administratif,
  • la Liberté devrait régner dans le monde culturel,
  • et la Fraternité gouverner l’espace économique.53

Ce qui reste un programme à accomplir dans toute démocratie (inachevée), mais on voit déjà qu’un travail certain est fait dans cette direction. La relative égalité devant la loi est évidente, mais ce qui manque terriblement, c’est le partage du pouvoir, dans le temps (à tour de rôle) et dans l’espace (selon qu’il s’agit du niveau local, régional, national, fédératif ou mondial). Dans le culturel, la relative liberté est plutôt préservée, sauf sans doute celle la presse, prisonnière de contraintes économiques ou soumise idéologiquement, et qui joue davantage un rôle de fabrication de l’opinion que de propédeutique à la liberté de pensée ; de même que le système éducatif, qui semble avoir perdu son rôle de former des citoyens libres et autonomes, aptes à la panarchie ou la diacratie, alors qu’il semble bien l’avoir longtemps joué. En matière d’économie, on ne saurait nier les efforts de répartition des richesses par l’impôt, des soins médicaux, des aides des plus pauvres… resterait à déterminer dans quelles intentions ces efforts sont consentis : maintenir le différentiel nécessaire à une économie du toujours plus ? Gérer les inégalités et le chômage à l’optimum ? La fiction d’une égalité des chances ne prêche pas en faveur d’intentions « fraternelles ».

Si l’on reprend les trois « sphères » de l’organisation politique, explicites ou implicites, de toute société, telle que rappelées par Castoriadis :

  • la vie privée, la famille, la maison, l’oïkos grec,
  • la vie « publique-privé », les lieux des associations, des entreprises, des spectacles, l’agora,
  • la vie « publique-publique », l’endroit où le pouvoir est déposé et exercé, l’ecclesia,

on voit bien que ces trois sphères doivent être souplement articulées, d’autant plus qu’elles n’ont pas de frontières étanches : ainsi, lorsqu’un libéralisme économique outré prétend pouvoir séparer l’agora de l’oïkos, il se trompe ou nous trompe ; il n’y a pas non plus de budget de l’État (ecclesia) qui n’intervienne dans l’agora ou l’oïkos. Cette tyrannie de l’autorité n’est telle que parce qu’elle s’arroge un pouvoir héréditaire de classe, pour le dire de façon simpliste. Les opportunités de changements ne manquent pas : participation, délibération, tirage au sort, etc., toutes idées plus ou moins récupérées par le « libéralisme », si bien qu’elles restent inefficaces en termes d’acceptation du pouvoir – c’est la crise évoquée. Ces idées récupérées conserveront toujours l’image non usurpée d’une manipulation, tant qu’il n’y aura pas de partage effectif du pouvoir, la mise en place harmonieuse d’une panarchie (le pouvoir est à tous), d’une diacratie (il est partagé, dans l’espace et dans le temps).

Notes

  1. P.F.G. Lacuria, « La Voie unique » (v. 1850), p. 19, Ms 5.943 C, Bibliothèque municipale de Lyon.[]
  2. Deux choses qui seraient identiques sous tout rapport n’en seraient qu’une seule et unique. Tout ce qui existe est condamné à être différent de tout le reste.[]
  3. Par exemple chez Ernest Renan (1823-1892) : « L’idée d’une civilisation égalitaire est donc un rêve. […] La lumière, la moralité et l’art seront toujours représentés dans l’humanité par un magistère, par une minorité gardant la tradition du vrai, du bien et du beau. Seulement, il faut éviter que ce magistère ne dispose de la force et ne fasse appel, pour maintenir son pouvoir, à des impostures, à des superstitions », L’Avenir de la science, pensées de 1848, Paris : Calman Levy, 1890, préface.[]
  4. L’idée initiale d’un nettoyage alterné des caniveaux par une eau courante (en place dans certains quartiers de certaines villes), a laissé place à une image d’égalité, hautement prisée, semble-t-il.[]
  5. Les lois fondamentales de la stupidité humaine, Paris : PUF, 2012, p. 21.[]
  6. Note du Contrat social (édition de 1762). Sa critique est-elle trop sévère pour l’époque actuelle ? « L’esprit universel des lois de tous les pays est de favoriser toujours le fort contre le faible, et celui qui a contre celui qui n’a rien : cet inconvénient est inévitable, et il est sans exception », Émile, liv. IV.[]
  7. Cette inégalité (« morale ou politique »), chez Rousseau, « consiste dans les différents Privilèges, dont quelques-uns jouissent, au préjudice des autres, comme d’être plus riches, plus honorés, plus Puissants qu’eux, ou même de s’en faire obéir » ; Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 2.[]
  8. Plus une situation s’est améliorée (aisance matérielle, libertés, etc.), plus l’écart à l’idéal devient difficile à supporter.[]
  9. Pour autant, une fois que tous auraient le même revenu, comment empêcher de le faire ceux qui donnent leur argent à des sportifs ou à des chanteurs, chamboulant toute répartition égalitaire des revenus ?[]
  10. Cf. Yves Sintomer, Le pouvoir au peuple, Paris : La Découverte, 2007.[]
  11. Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, Paris : La Découverte, 2011, p. 111.[]
  12. Cf. Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris : La Fabrique, 2005.[]
  13. Protagoras ou Les sophistes, Œuvres de Platon, trad. V. Cousin, Paris : Bossange, 1826, t. 3, p. 32 [319c-d].[]
  14. Rapporté par Thucydide, in Karl Popper, La leçon de ce siècle, Anatolia, 1993, p. 108.[]
  15. Protagoras, trad. V. Cousin, Œuvres de Platon, t. 3, 1826 [322e-323a], Ice-eBooks n° 86.[]
  16. L. III, ch. VI, § 10 [1282a].[]
  17. Aristote, Politique, L. I, 1, 4 [1252a].[]
  18. En tant que libre arbitre, la liberté devient fondamentale à l’anthropologie de Thomas d’Aquin ; en tant que liberté civile ou politique, elle prend même le primat sur la raison comme attribut principal de l’homme dans le Contrat social (1762) chez Rousseau : « Ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre », Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Amsterdam : M. M. Rey, 1755, p. 31.[]
  19. Sartre, L’être et le néant (1943), Paris : Gallimard, 1976, p. 612.[]
  20. « L’homme est condamné à être libre ; condamné parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait » ; L’existentialisme est un humanisme, Paris : Nagel, 1946, p. 37. On peut voir, tout aussi bien, dans la formule de Saint Augustin : « Aime, et fais ce que tu veux », une liberté et une responsabilité.[]
  21. La définition théologique n’est pas différente : « la liberté de l’homme consiste négativement dans l’absence de contrainte extérieure et de toute nécessité intérieure, positivement dans la détermination et la décision autonomes, sur la base des motifs qui se présentent », Mgr B. Bartmann, Précis de théologie dogmatique, trad. M. Gautier, Mulhouse/Paris : Salvator/Casterman, 6e éd., 1947, t. I, p. 172.[]
  22. C’est ce qui rend à nos yeux peu pertinente la notion d’« incompatibilisme » en philosophie analytique, pour laquelle libre volonté et déterminisme, ramenés sur un même plan, constitueraient des catégories logiquement incompatibles. Ainsi, croire au déterminisme ferait de la libre volonté une illusion (déterminisme dur : Baron d’Holbach, Daniel Wegner) ou, sinon, que le déterminisme serait faux (libertarianisme : Roderick Chisholm), ou encore, selon les thèses tierces « impossibilistes », la libre volonté est simplement décrétée être une impossibilité métaphysique (Richard Double, Galen Strawson, Saul Smilansky ou, via le fatalisme logique : Richard Taylor). Cf. Kadri Vihvelin, « Arguments for Incompatibilism », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Fall 2015 Ed., E. N. Zalta ed.[]
  23. Un automaton spirituale, suivant Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement, trad. Ch. Appuhn, § 85.[]
  24. Buridan (1292-1363), à la suite d’Aristote, utilise l’absurdité de cette « alternative insensée » pour sa démonstration (cf. Benoît Patar, Dictionnaire des philosophes médiévaux, Montréal : Fides – Presses philosophiques, 2006).[]
  25. Marxisme et sens chrétien de l’histoire, Paris : L’Harmattan, 2016, p. 179, que nous suivons ici.[]
  26. Borella, ibid., pp. 181-184.[]
  27. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé » (Pascal, Fragment hors Copies n° 8H-19T recto ; Brunschvicg 553) illustre, théologiquement ou spirituellement, ce paradoxe.[]
  28. trad. J. Tricot, Paris : Vrin, 2005, p. 390.[]
  29. Article 2 de la Constitution de 1958 en vigueur.[]
  30. Contrat social, chapitre vi du Livre xi.[]
  31. Article 2 de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen intégrée à la Constitution du 24 juin 1793.[]
  32. Titre premier de la Constitution de 1791.[]
  33. Décret du 21 septembre 1792, part de la Constitution de 1793.[]
  34. Préambule IV de la Constitution de 1848 (IIe République). Nous soulignons.[]
  35. trad. J. Tricot, Paris : Vrin, 2005 (p. 432).[]
  36. De la Démocratie en Amérique, t. 1, Paris : Flammarion, 1981, p. 349.[]
  37. Cf. L’Institution imaginaire de la société, Paris : Seuil, 1975. Très précisément, les sociétés sont « des créations libres et immotivées du collectif anonyme concerné », Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe, t. 5, Paris : Seuil, 2008, p. 321.[]
  38. À noter une révision en 1975, une autre en 1999 puis, en 2001, la publication d’une suite : Justice as Fairness: A Restatement.[]
  39. Première Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Art. 4. – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits » (rédaction due à Alexandre de Lameth, cf. Rials, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris : Hachette, 1988, p. 224). Deuxième Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (préambule de le Constitution du 24 juin 1793) : Art. 6. La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait.[]
  40. Mikhail Bakunin, “Man, Society, and Freedom” (1871), Bakunin on Anarchy, trad. & édit. par Sam Dolgoff (1971). Il précise auparavant : « je peux me sentir libre seulement en la présence et dans la relation aux autres humains. En présence d’une espèce animale inférieure, je ne suis ni libre ni humain […] Je ne suis vraiment libre que quand tous les êtres humains, hommes et femmes, sont également libres […] La liberté des autres humains, loin de nier ou de limiter ma liberté, est, au contraire, son principe et sa confirmation » (nous traduisons).[]
  41. Ah ! Bachelier du Diable, un peu plus d’indulgences ; / Nous avons vous & moi besoin de tolérance. / Que deviendrait le monde & la société, / Si tout, jusqu’à l’Athée, était sans charité ? M. de Voltaire, Les Cabales, œuvre pacifique, Londres, 1772, p. 11.[]
  42. Cf. Le célèbre égoïsme du boucher d’Adam Smith (1723-1790) dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). À noter qu’au-delà de l’image simpliste Smith n’est pas un chantre du libéralisme(cf. Michaël Biziou, Adam Smith et l’origine du libéralisme, Paris : PUF, 2003). Au contraire, chez cet économiste-philosophe, la vertu est nécessaire à la régulation sociale – vertu qui nous semble analogue au devoir de fraternité de la devise française. De plus, chez Smith, « le problème est moins de libérer le marché de l’intervention de l’État que de libérer l’État de l’intervention des marchands » (p. 180), disons, en langage actuel, de la corruption des lobbies ; F. C., Philosophie 2005/3 (n° 86), pp. 86-92.[]
  43. cf. Marie-des-Neiges Ruffo, « Platon – Le mythe des races », Implications philosophiques, sept. 2009.[]
  44. « La sphère du sociopolitique est marquée par un dilemme, voire une contradiction non résolue, entre un monde humain du droit et un monde supra-humain de justice », Jean-Jacques Wunenburger, Une utopie de la raison : essai sur la politique moderne, Paris : Table Ronde, 2002, p. 43.[]
  45. Ibid., p. 67.[]
  46. En langage chrétien, elle renvoie à la création de l’homme par un Dieu-Amour (Deus charitas est) et au Christ comme « unique prochain » (Borella).[]
  47. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 28.[]
  48. On lui doit ce néologisme de 1834, initialement péjoratif car qualifiant une organisation autoritaire de la société (socialisme absolu).[]
  49. Bruno Viard, Anthologie de Pierre Leroux, inventeur du socialisme, Lormont : Le Bord de l’Eau, 2007, p. 265.[]
  50. Miguel Abensour, « Utopie et démocratie », op. cit., p. 33.[]
  51. Ibidem.[]
  52. Ibid., p. 34.[]
  53. Cf. Rudolf Steiner.[]